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Des albinos défilent à l'occasion de la Journée internationale de l'albinisme, le 13 juin |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Après plusieurs années de lobbying, les droits des albinos se sont faits une place dans l'agenda international, comme en témoigne la création, par le Haut commissariat aux droits de l'homme des Nations unies (HCDH), de la fonction d'expert indépendant sur l'albinisme.
"À travers le monde, les albinos subissent des discriminations qui limitent leur participation à la société", assure Ikponwosa Ero, la Nigériane qui occupe cette fonction, elle-même atteinte de cette maladie génétique caractérisée par une absence de pigments dans la peau, les cheveux et les yeux.
Les meurtres, exhumations illégales et agressions d'albinos en Afrique sub-saharienne sont un problème grave, dont les experts peinent à discerner l'ampleur.
"Le grand nombre d'attaques qui nous sont rapportées par la société civile ne représentent sans nul doute qu'une fraction d'entre elles, en raison du secret qui entoure ces attaques rituelles, de la complicité de proches dans certains cas et de la difficulté d'accès aux informations vu que la plupart de ces attaques ont lieu dans des zones rurales", énumère Mme Ero.
Ikponwosa Ero, la Nigériane experte indépendante sur l'albinisme au Haut Commissariat aux droits de l'homme des Nations unies (HCDH), le 29 avril au Malawi. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Dans un rapport publié le 2 juin, l'ONG canadienne Under The Same Sun (UTSS, Sous le même soleil) répertorie 457 attaques, dont 178 meurtres, commis ces dernières années contre des albinos dans 26 pays d'Afrique.
Les pays les plus souvent cités sont la Tanzanie, avec 161 attaques, la République démocratique du Congo (61), le Burundi (38) le Malawi (28) et la Côte d'Ivoire (26).
"Ce n'est que la partie visible de l'iceberg", soutient Vicky Ntetema, directrice de la branche tanzanienne de UTSS. Ces crimes sont liés aux croyances selon lesquelles des potions préparées avec des parties de corps d'albinos apporteront chance, richesse ou succès politique.
Vague d'attaques "sans précédent"
Selon l'ONG, au moins 18 albinos ont été tués et 5 kidnappés au Malawi depuis novembre 2014, avec notamment quatre assassinats sur le seul mois d'avril 2016.
De l'aveu même des spécialistes, les causes de ces chiffres en hausse sont peu claires et les hypothèses multiples.
De jeunes enfants albinos le 27 juin 2015 au Malawi où la population albinos est évaluée à 10.000 personnes. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Mme Ero évoque ainsi l'appât du gain nourri par la misère de certaines populations et les activités de "gangs criminels". Un corps "complet" d'albinos peut rapporter jusqu'à 75.000 dollars, rappelle-t-elle, citant un rapport de la Fédération internationale de la Croix-Rouge datant de 2009.
D'autres évoquent la fuite des trafiquants de pays dans lesquels les meurtres rituels d'albinos ont été condamnés publiquement vers d'autres pays plus laxistes.
Le nombre de meurtres a ainsi augmenté en RDC car des gens habitués à ces pratiques "ont dû fuir la Tanzanie ou le Burundi par exemple, où des mesures ont été prises", assure une source humanitaire souhaitant conserver l'anonymat.
"On n'en parlait pas"
D'autres enfin estiment que ce phénomène séculaire est tout simplement vu sous un nouveau jour, notamment grâce à l'attention dont il bénéficie au niveau international. "Je pense que le problème existait bel et bien, mais que dans certains pays, on n'en parlait tout simplement pas", assure Vicky Ntetema.
"Maintenant que l'ONU est passée à l'action, les gens commencent à se rendre compte qu'ils doivent en parler", poursuit-elle. "Nous voyons aussi que des organisations demandent un changement, que les médias en parlent, que les gens n'ont plus peur d'en parler."
Lundi 13 juin, à Dar es Salaam, le président tanzanien John Magufuli en personne devait célébrer la Journée internationale de l'albinisme, illustration selon certains que plusieurs pays d'Afrique prennent le problème à bras-le-corps.
"La volonté politique est là, mais le plus grand problème, ce sont les ressources", regrette toutefois Mme Ero. "Les pays n'ont par exemple pas les moyens de mener des enquêtes médico-légales et de collecter des informations".