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Jirô Taniguchi, le 26 janvier 2015 à Paris. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Casterman, son éditeur français depuis les années 1990, a annoncé la mort de l'auteur japonais, gravement malade, survenue ce 11 février. Révélé à la fin des années 1980 dans son pays avec Au Temps de Botchan puis une dizaine d'année plus tard à l'international avec Quartier lointain, son chef d'oeuvre, Jirô Taniguchi s'est rendu célèbre avec d'autres livres comme Le Gourmet solitaire, Le Journal de mon père ou Un Zoo en hiver.
Il promenait le lecteur dans l'intimité du quotidien japonais, racontant des histoires simples, humaines et apaisantes. Un style qui rappelait le cinéma de son compatriote Yasujiro Ozu, dont il admirait l'oeuvre. Si ses petites histoires restaient ancrées au Japon, ses thèmes étaient universels, comme la famille, l'enfance ou la nature.
Taniguchi, qui confessait toutefois des influences graphiques plutôt européennes, en la personne par exemple de Jean Giraud (Moebius) avec qui il publia Icare en 1997, a séduit de nombreux lecteurs dans le monde et surtout en France.
Un grand auteur
"C'est vraiment l'auteur qui a été le pont entre les deux rives de la BD que sont le Japon et la France", explique Sébastien Langevin, rédacteur en chef de Canal BD Manga Mag.
"Auteur d'une extrême sensibilité, Taniguchi à ouvert les yeux et l'esprit des lecteurs français : le Japon, c'est l'autre pays de la bande dessinée. C'est son oeuvre intime et faussement nostalgique qui nous a séduits, mais c'était avant tout un grand auteur", renchérit ce spécialiste.
Né en août 1947 à Tottori, au Japon, dans une famille très modeste, Jirô Taniguchi a débuté dans la BD en 1970 avec Un été desséché. Il s'essaie ensuite au manga policier, mais c'est dans le registre historique qu'il se révèle avec Au temps de Botchan (1987), avant de trouver son créneau dans les années 1990 avec des récits centrés sur des personnages qu'il prend soin de travailler en profondeur.
Très marqué par le tsunami meurtrier et l'accident nucléaire de Fukushima survenus en 2011, il avait confié à l'AFP Tokyo, avoir failli renoncer à son métier, ne voyant plus au milieu d'un tel désastre quelle pouvait en être l'utilité.
Honoré à Angoulême
"Ce sont les lecteurs, des Français notamment, qui m'ont incité à continuer", assurait alors l'homme reconnaissable à sa fine moustache, qui confessait ne pas travailler sur ordinateur, "car je ne sais pas, je n'ai pas cette compétence".
Jirô Taniguchi avait reçu en 2011 les insignes de Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres.
En 2015, le festival d’Angoulême lui avait rendu hommage avec une large rétrospective. À ce moment-là, l’ensemble de ses titre publiés en français par Casterman s’étaient vendus à plus d’un million d’exemplaires, selon l'éditeur.
Multiprimée, sa BD a été adaptée au cinéma en 2010 par le réalisateur belge Sam Garbarski, l'action se déroulant cette fois en France. Véritable passeur entre le manga et la bande dessinée occidentale, Taniguchi a bâti une œuvre foisonnante à la variété de tons et de genres exceptionnelle.
"Le manga est une partie de la BD avec des canons très forts. À l'intérieur de ces canons, il a su créer des œuvres qui parlent au monde entier", résume Sébastien Langevin.