>>Sommet de Maastricht : 25 ans après, l'UE en proie au doute
Des Néerlandais dans les rues de Maastricht, le 3 février 2017. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
À l'époque, une certaine euphorie s'était emparée de la ville, se souvient le gouverneur de la province du Limbourg Theo Bovens, moustache sombre et sourire chaleureux. "Vous pouviez sentir une atmosphère pro-Europe", raconte-t-il. "Chaque rue commerçante était liée à un pays. La Grote Staat était pour la Belgique, la Kleine Staat pour l'Allemagne et la Wolfstraat pour l'Angleterre. Les commerçants avaient habillé leur rue de produits et de drapeaux."
Le 7 février 1992, dans le nouveau bâtiment provincial en bordure de Meuse, fleuve franco-belgo-néerlandais, est signé à douze États membres le traité de Maastricht. Un projet aux ambitions radicalement nouvelles dressant les fondements de l'Union européenne, du marché et de la monnaie uniques.
Vingt-cinq ans plus tard, après une longue série de crises, celle de l'euro, celle de la Grèce, celle de la migration, après aussi une montée de l'euroscepticisme et la décision de la Grande-Bretagne de claquer la porte, la bourgade de 120.000 habitants se sent investie d'un rôle essentiel.
Celui de "tenter de rallumer la flamme qui est toujours là, de s'assurer que ce rêve européen que nous avions il y a 25 ans redevienne un rêve et ne soit pas le cauchemar que nous craignons tous aujourd'hui", a déclaré la maire Annemarie Penn-te Strake.
"Eurégion"
"Parce que c'est le traité de Maastricht, nous avons le sentiment d'être redevables et de devoir faire attention au fait que nous vivons dans une époque où l'Europe (a) beaucoup de problèmes, de scepticisme et de colère aussi", a déclaré Mme Penn-te Strake. Les autorités locales plaident pour un retour aux valeurs du traité auxquelles "nous ne sommes plus connectés": renouer avec la citoyenneté européenne, retourner à une dimension plus sociale et modifier des structures trop institutionnalisées.
Photo prise le 3 février 2017 du nouveau bâtiment provincial en bordure de Meuse, fleuve franco-belgo-néerlandais, où a été signé il y a 25 ans à douze États membres le traité de Maastricht |
Enserrée à la croisée des frontières, dans ce qu'elle appelle une "eurégion", la petite province adressera bientôt à Bruxelles un programme concluant une année entière de débats autour de l'anniversaire du traité, pour reconstruire une Europe "plus naturelle", de la base vers le sommet, des villages vers la capitale européenne. "Nous n'avons pas besoin de moins d'Europe mais d'une autre Europe", souligne Theo Bovens, dénonçant des pays encore trop cloisonnés.
Et sur la place, où se mêlent les odeurs de pâte à beignets et de poulet rôti à la musique de kermesse et aux langues étrangères, les Maastrichtois ont foi en l'Union, qu'ils jugent nécessaire contre un climat international anxiogène. Aux citoyens en proie au doute et tentés par le repli national, Esmee, 19 ans, assure que "la migration restera un problème que l'on soit membre de l'Europe ou non".
"Quand j'observe tous les changements aux États-Unis, je pense qu'il est bon que le rêve européen existe toujours", souligne Fabien Ruiter, 23 ans, vendeur de fruits et légumes. Accoudée à une table haute sur la place du marché, Tine Raenarts, elle, attend, sceptique, l'issue des négociations sur le Brexit. "J'ai toujours eu des doutes sur l'Europe", reconnaît la manutentionnaire de 54 ans.
"La clé n'est pas à Bruxelles"
S'orienter vers une Union plus forte est en effet une décision difficile dans cette "Europe élargie mais aussi plus divisée", selon Sophie Vanhoonacker, spécialiste des affaires européennes à l'Université de Maastricht. Les leaders politiques doivent prendre leurs responsabilités, "mais ce n'est pas sûr qu'ils le feront", ajoute-t-elle.
AFP/VNA/CVN