Islande : la couronne chère pèse sur la pêche et le tourisme

Halldor Armmansson a passé 10 heures au large. Sur le pont de son bateau, des caisses pleines de morue, issues d'un océan généreux avec les pêcheurs islandais. Mais la couronne chère pèse sur son niveau de vie.

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Un bateau de pêche quitte le port de Reykjavik, le 23 avril 2009.
Photo : AFP/VNA/CVN

Tous les voyants sont au vert en Islande : tourisme record, pêche au beau fixe, 7,2% de croissance en 2016. Tous ou presque, car la couronne a atteint début mars son plus haut niveau depuis près d'une décennie.

"C'est probablement l'une des choses qui me préoccupent le plus dans l'économie islandaise", reconnaît le ministre des Finances, Benedikt Johannesson.

En un an, toutes les devises étrangères ont perdu de la valeur face à la couronne. Parmi les plus fortes baisses: la livre sterling (-22%), la couronne suédoise (-17%) et l'euro (-15%). Un euro vaut environ 120 couronnes au cours actuel.

"Le taux de change s'est apprécié en raison du boom du tourisme, des bons niveaux des échanges et des records en termes de consommation", explique le gouverneur de la Banque centrale, Mar Gudmundsson.

La hausse face à la livre ou l'euro inquiète particulièrement le secteur de la pêche, qui exporte vers l'Europe près des trois quarts de ses produits.

"Nous devons pêcher plus pour garder les mêmes revenus", assure Halldor Armmansson, propriétaire de deux bateaux dans l'entreprise familiale qu'il tient avec son père à Sandgerdi, un petit port du sud-ouest de l'Islande. "Or, nous sommes limités par des quotas (250 tonnes par an pour lui), donc on ne peut pas garder les mêmes revenus quand la couronne est si forte. On va probablement perdre un tiers de nos revenus cette année".

Les produits issus de la pêche représentaient 42,3% des exportations totales de l'Islande en 2015, selon l'institut statistique national.

Tourisme en éruption

Le tourisme, secteur en éruption avec un record de 1,8 million de visiteurs en 2016, rapporte désormais le plus à l'île de glace et de feu. Et il n'est pas épargné.

"On a validé 40% de devis en moins pour juillet 2017 par rapport à l'an passé", note Antoine, un agent de voyage français à Reykjavik. "Sur les voyages organisés, il semble qu'on arrive à un niveau de prix qui soit assez dissuasif", abonde Bertrand Jouanne, manager général de l'agence islandaise Ferdakompaniid.

À l'hôtel Ranga, la majorité des réservations se font en monnaie étrangère. "Nos revenus ont baissé de 15 à 20% en moins d'un an", s'émeut Fridrik Palsson, le responsable de ce luxueux établissement de la côte Sud. "Dans le même temps, les salaires ont augmenté de 7 à 12%. Les effets sur les comptes sont énormes et les entreprises sont vraiment en difficulté parce que nous devons toujours payer nos coûts en couronnes".

Randonneurs sur les falaises d'Ingolfshofdi, en Islande, le 16 juillet 2016.
Photo : AFP/VNA/CVN

L'addition est également salée pour les touristes, qui règlent des factures environ 40% plus chères cette année. "On dépense clairement moins que prévu", constate Jessy Picard, un Français de 31 ans, qui ne ramènera pas de souvenirs après son road-trip autour de l'île.

Moteur de la croissance, le tourisme n'est cependant pas près de tomber en panne. Le gouvernement prévoit 2,2 à 2,3 millions de touristes cette année.

"Si ça continue, l'industrie touristique va mettre hors-jeu toutes les autres industries du pays (...). Il est préférable pour chaque économie moderne d'avoir plusieurs jambes pour se tenir debout", s'alarme Thorolfur Matthiasson, professeur en économie à l'Université d'Islande.

En supprimant à la mi-mars les derniers contrôles de capitaux mis en place après la crise financière de 2008 pour empêcher l'économie de se vider de sa richesse, l'île pouvait espérer faire fléchir sa monnaie. Mais celle-ci reste assez volatile et forte.

Si les entreprises orientées à l'export trinquent, les ménages sablent le champagne. La consommation a grimpé de 6,9% en 2016. "Nous pouvons importer des biens et les obtenir à des prix très compétitifs", explique Thorolfur Matthiasson.

"Le niveau de salaire, mesuré en dollars ou en euros, est très haut et c'est bien sûr confortable pour les salariés", précise-t-il. Et d'ajouter, en guise d'avertissement : "Tant que ce niveau de salaire est durable".

AFP/VNA/CVN

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