Irma : à Haïti, les sinistrés blâment les mauvaises infrastructures

Haïti se réjouit de ne pas avoir été autant affectée que prévu par l'ouragan Irma mais, le long de la route qui relie Cap-Haïtien à la frontière dominicaine, les sinistrés des inondations enragent contre cette voie qu'ils considèrent responsable de leur situation.

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Une rue inondée à Malfeti, au Cap-Haïtien, après le passage de l'ouragan Irma, le 8 septembre à Haïti.
Photo : AFP/VNA/CVN

"Jamais on n'avait de tels dégâts à cause des cyclones avant la construction de la route", témoigne Luckner Manigat, 52 ans, qui est né et a passé toute sa vie dans la zone de Malfety, aujourd'hui partiellement sous les eaux.
D'un côté de la voie asphaltée, les maisons sont intactes et rien ne laisse suggérer que des pluies torrentielles se sont abattues pendant la nuit. De l'autre, les habitants vont et viennent dans leurs habitations envahies par certaines par un mètre d'eau, avec l'espoir de sauver ce qui pourrait encore l'être.
"L'eau de pluie n'a plus de voies d'évacuation : les petits ponts qu'ils ont prévus sont totalement insuffisants" explique Luckner, avant d'enlever son pantalon pour refaire un nouvel aller-retour dans sa maison inondée.
L'asphaltage des 70 kilomètres reliant la deuxième ville haïtienne à la frontière dominicaine a été réalisé entre 2006 et 2008 par l'entreprise italiano-domincaine, Ghella. Le chantier avait été financé à hauteur de 40,8 millions d'euros par l'Union européenne, comme part du soutien de l'UE à l'État haïtien dans l'amélioration de son réseau routier.
"C'est la quatrième fois que l'eau m'envahit comme ça depuis que la route existe", dénonce Ketlie Mesidor. "Est-ce-que c'est l'ingénieur qui a été chargé de faire cette route qui est un crétin ou qui ne connait pas exactement son métier mais, si c'était moi, j'aurais pensé à une bonne façon d'évacuer l'eau pour qu'il n'y ait pas des inondations partout comme ça", accuse l'institutrice dont le logement et l'école sont inondés.

Une femme dans sa maison inondée à Malfati, au Cap-Haïtien, après le passage de l'ouragan Irma, le 8 septembre à Haïti.
Photo : AFP/VNA/CVN

Peur du choléra
Solidaires avec leurs voisins, ceux vivant de l'autre côté de la route nationale tentent d'aider au mieux en partageant le peu de nourriture qu'ils ont.
"Aucune organisation ne nous a rien apporté, pas même de l'eau potable. Nous sommes des êtres humains quand même. Et pour l'hygiène, il faut qu'ils apportent du savon, du chlore parce que l'eau dans laquelle on est depuis hier soir est chargée de matières fécales. Le choléra est toujours là : après Irma, il faut encore qu'on sauve nos vies", s'inquiète Ketlie Mesidor, encore trempée jusqu'à la taille.
Interrogée par l'AFP sur l'infrastructure routière, la délégation de l'UE en Haïti a expliqué que "l'entretien des routes relève de l'État haïtien au travers du Fonds d'entretien routier, que l'UE appuie financièrement et techniquement mais dont les actions sont activées sur initiative du ministre haïtien".
Revenu sur la route nationale trempé jusqu'au nombril, Luckner Manigat ne croit pas que les autorités de son pays vont se pencher sur l'amélioration de la zone où il vit.
"Après la deuxième inondation, on avait fait une assemblée, un ministre était venu pour entendre nos problèmes mais, vous savez, ces messieurs ont mis les rapports dans les tiroirs. Quand le malheur arrive, là on les voit mais sinon non : ils ne font jamais de prévention, par négligence", conclut-il avec résignation.

AFP/VNA/CVN

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