Il y a 40 ans, la découverte du virus du sida

Il y a 40 ans, la découverte du virus du sida par une équipe parisienne de l'Institut Pasteur marquait la première étape de la lutte contre une épidémie qui allait faire plus de 40 millions de morts.

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Le professeur Jean-Claude Chermann travaille sur le virus du sida dans le laboratoire de recherche de l'Institut Pasteur, le 25 avril 1984 à Paris.
Photo : AFP/VNA/CVN

"L'isolement" du nouveau virus est signalé le 20 mai 1983 dans un article publié par le magazine américain Science.

Les auteurs de la découverte, Françoise Barré-Sinoussi, Jean-Claude Chermann et Luc Montagnier, y adoptent un ton prudent : ce virus "pourrait être impliqué dans plusieurs syndromes pathologiques, dont le sida", écrivent-ils.

La recherche sur le sida est, à l'époque, tâtonnante. La maladie, nouvelle, recèle beaucoup de mystères.

"Maladie des quatre H"

Les premières alertes ont été lancées aux États-Unis deux ans plus tôt.

Des maladies rares, la pneumocystose et le sarcome de Kaposi, sont signalées à l'été 1981 chez de jeunes homosexuels américains.

Graphique montrant le nombre de décès d'enfants et d'adultes liés au sida dans le monde en 2021, selon l'ONUSIDA.
Photo : AFP/VNA/CVN

Les médecins s'interrogent : pourquoi ces infections "opportunistes" habituellement réservées à des personnes très affaiblies, chez des jeunes gays jusqu'à présent en parfaite santé ?

Les experts américains parlent d'une "épidémie chez les hommes homosexuels et les utilisateurs de drogue". La maladie n'a pas encore de nom et s'étend.

On observe que la population haïtienne est également touchée. On se met à parler de la "maladie des trois H" pour homosexuels, héroïnomanes et Haïtiens.

Un quatrième "H" vient s'ajouter bientôt : les hémophiles, eux aussi touchés. On parle alors de la "maladie des quatre H".

Le terme "aids" ("acquired immune deficiency syndrome") est utilisé à partir de septembre 1982. En français : "sida" pour syndrome d'immunodéficience acquise.

L'hypothèse d'un rétrovirus

La cause du sida demeure inconnue. Certains se lancent sur la piste d'un "rétrovirus", comme Robert Gallo, grand spécialiste américain de cette famille de virus provoquant des cancers.

Le chercheur américain Robert Gallo, le 16 juillet 1984 à Monaco.
Photo : AFP/VNA/CVN

De l'autre côté de l'Atlantique, à Paris, le laboratoire d'oncologie virale dirigé par Luc Montagnier à l'Institut Pasteur se met également au travail.

Au tout début de l'année 1983, l'infectiologue parisien Willy Rozenbaum réalise à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière un prélèvement sur les ganglions d'un malade à un stade précoce du sida.

Son prélèvement arrive le 3 janvier sur les paillasses du laboratoire de l'Institut Pasteur. "À la nuit tombée (...), je me mets au travail", raconte Montagnier, disparu en 2022, dans son livre Des virus et des hommes.

Avec Françoise Barré-Sinoussi et Jean-Claude Chermann, il détecte un nouveau rétrovirus qu'ils baptisent LAV pour Lymphadenopathy Associated Virus.

"Nous avions isolé le virus, nous avions fait la démonstration que c'était un rétrovirus mais nous n'avions pas encore la certitude qu'il était la cause du sida", raconte Françoise Barré-Sinoussi.

"Personne ne nous croyait"

La publication en mai dans Science de la découverte est accueillie avec scepticisme, en particulier par Robert Gallo.

L'équipe de Pasteur devient, elle, de plus en plus persuadée que son LAV est responsable du sida. Montagnier présente des données en ce sens en septembre 1983 à une poignée d'experts dont Gallo. Peu de réaction.

Schéma expliquant comment le virus du sida attaque les cellules T CD4+ (90x110 mm).
Photo : AFP/VNA/CVN

"Pendant une année, nous savions que nous avions le bon virus (...) mais personne ne nous croyait et nos publications étaient refusées", rapporte Luc Montagnier.

Coup de tonnerre, au printemps 1984 : Gallo soumet une série d'articles pour annoncer sa découverte d'un nouveau rétrovirus, HTLV-3, présenté comme la "cause probable" du sida.

Le 23 avril, Margaret Heckler, la secrétaire américaine à la Santé officialise l'annonce avec Gallo.

Le même jour, ce dernier dépose une demande de brevet aux États-Unis pour un test de dépistage du sida, basé sur sa découverte, promptement accordée.

Une demande similaire déposée auparavant par Pasteur après sa découverte du LAV avait été refusée.

Pourtant, rapidement Gallo et Montagnier conviennent qu'HTLV-3 et LAV ne sont probablement qu'un seul et même organisme.

Le prix Nobel de Médecine 2008 est attribué à Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi pour leurs découvertes sur le virus du sida, le 6 octobre 2008 à Stockholm. Photo : AFP/VNA/CVN

La preuve de leur unicité est donnée en janvier 1985. Ce nouveau virus est finalement nommé VIH (virus de l'immunodéficience humaine) en 1986.

France et États-Unis se disputent la paternité de la découverte jusqu'en 1987, date d'un accord franco-américain où Gallo et Montagnier sont qualifiés de "codécouvreurs" du virus du sida.

Ce différend n'est pas seulement une question d'honneur scientifique. C'est surtout une question financière en raison des royalties tirés des tests de dépistage découlant directement des découvertes.

Le véritable épilogue interviendra en 2008, avec l'attribution du prix Nobel de médecine aux seuls Français Montagnier et Barré-Sinoussi "pour leur découverte" du VIH.

AFP/VNA/CVN

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