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L’extérieur et l’intérieur de la maison de M. Truong. |
Dans le village de Son Kiên, district de Vinh Tuong, province de Vinh Phuc, Nguyên Van Truong est un peu considéré comme un «doux dingue». Passionné d’antiquités depuis 20 ans, ce paysan a consacré tout ce qu’il a, temps et argent, corps et âme, à la collection d’objets anciens qu’il prend soin de fixer sur les murs de sa maison. «C’est toute ma fortune, et j’en suis fier», dit le paysan âgé de 53 ans. Son trésor compte actuellement à peu près 10.000 pièces, pour la plupart des céramiques et monnaies des dynasties Ly, Trân, Lê et Nguyên (du XIe au XVIIIe siècles).
Un collectionneur téméraire
Pendant la guerre, Nguyên Van Truong est parti pour le front au Laos. Démobilisé en 1985, il est rentré dans son village, a repris les travaux champêtres tout en pratiquant le métier de laqueur ambulant. Avec sa femme et ses deux enfants, il vit une vie frugale dans une maison de fibrociment léguée par ses parents. Sa passion pour les antiquités a commencé en 1986, lorsqu’il a vu des céramiques anciennes chez des clients qui l’avaient invité à venir laquer des meubles. Mais le paysan sans le sou n’a pu acheter ses premières pièces qu’en 1991.
«Ma maigre rémunération mensuelle, je la partage en deux parties, une pour la vie de la famille, une pour l’achat d’anciens objets», révèle-t-il. Cependant, il a avoué que plus d’une fois il a vendu en cachette de sa femme un peu de paddy pour acheter telle ou telle pièce. Il n’hésite pas aussi à s’endetter... En 2000, il a même hypothéqué sa propriété pour emprunter à un taux d’intérêt élevé une jolie somme, avant d’aller à la recherche de céramiques. «Une dette que j’ai dû rembourser en 6 ans, pour un total de 23 millions de dôngs, contre 3 millions initiaux».
Nguyên Van Truong présente une de ses pièces. |
Un bien familial rare et précieux
Dans sa quête incessante d’anciens objets, Nguyên Van Truong ne ménage guère sa peine. Toujours à vélo, il a parcouru de long en large la région Nord, longeant souvent les rives des cours d’eaux comme le fleuve Rouge, les rivières Lô et Da... qui traversent les régions montagneuses puis les régions deltaïques du Nord. Car, «jadis, les bateaux de commerce vietnamiens et étrangers chargés de céramiques les empruntaient. Nombre d’entre eux ont sombré». Il cherche à acheter des objets auprès des habitants locaux et parfois ramasse lui-même des pièces enfouies dans la vase. «Mes objets n’ont pas une grande valeur intrinsèque, ils sont parfois ébréchés, mais ils sont pour moi inestimables», confie-t-il.
Le «trésor» de Nguyên Van Truong gonfle au fil des années. En 1996, de peur que ses précieux objets puissent disparaître, le collectionneur a décidé de les fixer avec du ciment sur les murs de sa maison. «Certains exposent leurs objets dans des vitrines, moi sur les murs, même extérieurs», s’amuse-t-il. Il les colle aussi sur le portail, les murs entourant son domaine et les rocailles artificielles qu’il a érigées dans son jardin.
«Le toqué», comme on le surnomme dans son village, se réjouit de l’idée de pouvoir transmettre à sa descendance ce patrimoine : «Je suis sûr qu’en voyant la maison revêtue de 10.000 antiquités, mes descendants seront fiers de leur ancêtre et aussi du Vietnam d’autrefois où l’on savait faire de si belles choses».
Nghia Dàn/CVN