Hydroélectricité, le revers de la médaille

Tandis que les projets de petite et moyenne hydraulique pullulent dans le Centre, la population de cette région soumise aux aléas climatiques est confrontée à nombre de problèmes. Le cas de la province de Hà Tinh.

Le Centre du Vietnam, la bande territoriale la plus étroite du pays avec ses reliefs escarpés, ses précipitations abondantes et ses tempêtes fréquentes est régulièrement sujet à des crues subites et autres inondations. Dans cette région sujette aux caprices du temps, de nombreux ouvrages de petite et moyenne hydroélectricité ont été construits ces derniers temps, dans l’espoir de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, force est de constater que les résultats en termes de production d’énergie sont largement occultés par les problèmes environnementaux que ces constructions engendrent.

 

La disparition des forêts aggrave les risques de sécheresse et de crues déferlantes, avec de ourds effets sur l’écosystème, la vie humaine et la production.

Même si la province de Hà Tinh (dans la partie septentrionale du Centre) ne compte qu’une poignée d’ouvrages de ce type, elle est la parfaite illustration de cette problématique «hydroélectricité et environnement».

Des risques mal appréhendés

Hà Tinh compte 12 projets hydroélectriques dont trois ont été inaugurés (Huong Son, Hô Hô et Ke Gô). La centrale Hô Hô, d’un coût d’investissement de 392 milliards de dôngs financés par la Compagnie d’investissement et de développement de l’électricité du Nord 1 (relevant de la Compagnie d’électricité I) a été mise en service en avril 2010. Six mois après, un grave accident s’est produit. En octobre 2010, en raison d’un fort épisode pluvieux, le barrage a débordé, formant une énorme «bombe d’eau» au dessus de la tête des 20.000 habitants vivant en aval, avec pour effet de déclencher une véritable panique, chez les autorités locales et centrales comme chez la population.

Heureusement, le scénario le plus terrible (la rupture du barrage) ne s’est pas produit. Mais les conséquences de cet accident restent ancrées dans la mémoire collective avec deux morts, des centaines de buffles et de bœufs disparus, d’innombrables communes inondées... Trois ans après l’accident, la vie de nombreux habitants demeure suspendue à la météo. En cas de fortes pluies, des lâchers sont effectués pour éviter que le barrage déborde, avec pour effet d’inonder certaines zones des communes en contrebas de Phuc Trach et de Huong Trach.

Une dizaine de familles de Huong Trach a même dû être évacuée, leurs habitations touchées par l’érosion, l’alluvionnement charrié par le cours d’eau étant en grande partie stoppé par la retenue.

Autre conséquence, côté investisseurs cette fois, qui se plaignent de la non-rentabilité de ce projet pour lequel ils ont dépensé 78 milliards de dôngs depuis octobre 2010 pour tenter de régler ce problème de conception, qui aujourd’hui est toujours à l’arrêt.

Des forêts détruites

«Pour construire les ouvrages hydroélectriques, on doit abattre de nombreux arbres pour la réserve d’eau en amont, sans parler les hectares de forêt perdus pour ouvrir la voie menant à l’ouvrage», déplore le chef adjoint de l’agence des forestiers de la province de Hà Tinh, Hoàng Quôc Tuân. Les projets Huong Son et Hô Hô ont respectivement causé la perte de 251 ha et de 138 ha de bois. La plupart sont des forêts de protection. Ce qui aggrave les risques de sécheresse et de crues déferlantes (les sols ne jouant plus leur rôle d’absorbeurs naturels), avec de lourds effets sur l’écosystème, la vie humaine et la production.

Avant la mise en route de ces projets, les investisseurs avaient promis de reboiser la région. Des promesses toujours dans l’attente d’être honorées...

Dans la continuité des propos du chef adjoint de l’agence des forestiers de Hà Tinh, le vice-président du Comité populaire de la commune de Son Kim 1, Trân Van Hai dit : «Les forêts disparaissent, les crues arrivent plus rapidement...».

Les autorités des communes sont les premières à se plaindre : «Les avantages de ces ouvrages ? Il n’y en a pas. C’est l’inverse qui se produit avec des crues, des inondations, des glissements de terrain toujours plus importants durant la saison des pluies», regrette Nguyên Van Loan, le vice-président du Comité populaire de la commune de Huong Trach, district de Huong Khê. Et d’ajouter : «Les gens se plaignent et les responsables travaillent d’arrache-pied pour lutter contre les conséquences des catastrophes naturelles».

Des suspensions en pagaille

Face à cette triste réalité, le Comité populaire de la province de Hà Tinh a procédé à l’examen et à l’évaluation du développement des ouvrages hydroélectriques dans la province. En août dernier, la province de Hà Tinh a adressé au ministère de l’Industrie et du Commerce une note officielle. Selon ce texte, Hà Tinh a demandé au ministère d’exclure deux projets - Trai Hôi et Da Mông - du plan d’aménagement national de la petite et moyenne hydroélectricité, en raison d’études de faisabilité faisant état de leurs nuisances sur une trop vaste étendue et des destructions forestières qu’ils engendreront nécessairement.

Trois autres projets ont également été suspendus (Giao An I et II, Sông Rac) suite aux motions des autorités des communes... De même, le Comité populaire de la province de Hà Tinh est aujourd’hui plus prudent dans l’examen, l’évaluation des mesures de protection pour la sécurité des ouvrages et la région basse. Autant de réactions qui montrent bien que les autorités de différents échelons ne misent plus trop sur le développement de tels projets.

Dans sa note officielle adressée au ministère de l’Industrie et du Commerce, Hà Tinh a demandé au ministère de continuer les recherches pour définir des critères stricts en vue d’améliorer la qualité des projets hydroélectriques, de garantir une efficacité socio-économique et la protection de l’environnement.

Le Service de l’industrie, du commerce ; celui des ressources naturelles et de l’environnement ; l’Agence des ouvrages hydrauliques de la province de Hà Tinh se sont mis d’accord d’accorder la priorité dans les années à venir aux projets de thermoélectricité, à grands renforts d’énergies fossiles. La croissance verte attendra.

 

Van Hào/CVN

 

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