Les estampes font partie depuis des temps immémoriaux de la vie du peuple vietnamien, dont elles servent d'ornements dans les foyers, notamment à l'occasion du Nouvel An lunaire. Mais on ne sait à quelle époque précise cet art artisanal est apparu à Hàng Trông ou rue des Tambours dans l'ancien quartier de Hanoi. Le Musée d'histoire du Vietnam conserve encore certaines planches de bois destinées à l'estampillage de ces fameuses images populaires de Hàng Trông, dont l'une est datée de 1823.
Créée par des artisans vivant principalement dans la rue Hàng Trông, l'image populaire de Hanoi d'antan est, selon les chercheurs, propre à la capitale millénaire. Cet art artisanal a été influencé par les progrès dans les beaux-arts de la Chine et a connu les influences bouddhique et confucéenne.
À la différence des estampes du village de Dông Hô (province de Bac Ninh, à proximité de Hanoi), conçues entièrement par impression de couleurs à l'aide de planches de bois gravées (une couleur par pièce de bois), les images populaires de Hàng Trông, faites sur du papier dó (rhamnoneuron balansae) ne reçoivent que le dessin de base par les planches xylographiques. Les couleurs sont ajoutées par les artisans, qui donnent à la pièce chacun à sa manière, talent et créativité.
L'image populaire de Hàng Trông a connu son apogée à la fin du 19e et au début du 20e siècles. Décorant les maisons et les autels des ancêtres, les images populaires de Hàng Trông se retrouvaient encore dans les temples, les palais dédiés au taoïsme, notamment sur les monuments de culte des divinités féminines comme Thanh Mâu (Sainte Mère).
Vers la fin du 20e siècle, les guerres, les bouleversements économiques ainsi que les changements de goût dans les beaux-arts des Hanoiens... ont provoqué la disparition des fameuses images populaires de la capitale. Après la réunification nationale en 1975, la plupart des artisans ont abandonné leur métier traditionnel et nombre d'entre eux ont même jeté leurs instruments de travail, notamment les planches de bois destinées à l'estampillage des fameuses images.
Le dernier Mohican
Longtemps coqueluches des boutiques de souvenirs situées le long des rues Hàng Ngang, Hàng Dào, voire des galeries de la rue Hàng Trông, les estampes populaires de Hàng Trông ont cédé inexorablement le terrain. Leur disparition rapide laisse perplexe les artisans comme Lê Dinh Nghiên qui a appris dès l'âge de 10 ans, la fabrication des images populaires par son grand-père et son père.
Près de 40 ans auparavant, il a été invité à participer au projet de restauration des images populaires de Hàng Trông, géré par le Musée national des beaux-arts. Aujourd'hui, ce sexagénaire qui est le dernier fidèle de ce métier traditionnel, cherche à collectionner d'anciennes planches gravées et des images. Il consacre temps et argent à la restauration d'anciennes pièces de bois ou à la recréation de planches xylographiques perdues.
Attaché pendant toute sa vie à ce métier, cet artisan travaille principalement sur commande des musées, organisations ou individus qui veulent conserver des fameuses images populaires de Hanoi d'antan ou restaurer des anciennes œuvres. De temps en temps, Lê Dinh Nghiên présente ses oeuvres dans les salles d'exposition du pays, pour rappeler un héritage culturel de la capitale au public. Il souhaite également que ses expositions réveillent le passé glorieux d'un art, tombé depuis longtemps dans l'oubli.
Lê Dinh Nghiên conserve toujours dans sa tête un souvenir vécu à l'occasion d'une exposition de ses oeuvres dans la ville de Dà Nang (Centre). Là, il avait rencontré un capitaine de marine, réjoui de "retrouver" des images populaires de Hàng Trông après avoir cherché en vain ces estampes traditionnelles de la capitale. Ce militaire qui a hérité de ses grands-parents du goût pour les images populaires de Hàng Trông, s'est procuré à cette occasion un ensemble de 4 estampes représentant les 4 saisons.
Dans l'espoir de perpétuer la tradition séculaire, l'artisan Lê Dinh Nghiên a encouragé son fils, Lê Hoàn, à apprendre le métier familial, mais le jeune apprenti doit encore faire beaucoup d'efforts pour devenir un vrai artisan. Au grand dam de son maître.
Thuân Thiên/CVN
(19/06/2010)