Franchir les différences culturelles pour approfondir les relations

Le Premier ministre Pham Minh Chinh vient d’effectuer sa visite officielle en France. Au terme de sa visite, la correspondante de l’Agence Vietnamienne d’Information à Paris a eu un entretien avec Jean-Noël Poirier, consultant des investissements étranger au Vietnam et en Asie du Sud-Est, ancien ambassadeur de France au Vietnam. Ses partages.

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Jean-Noël Poirier, consultant des investissements étrangers au Vietnam et en Asie du Sud-Est.
Photo : Thu Hà/CVN

Le Premier ministre Pham Minh Chinh vient d’effectuer une visite officielle en France. Que pensez-vous de ce déplacement ?

Nous sortons de deux années difficiles pour tout le monde, mais aussi pour les relations internationales. Les visites se sont arrêtées durant deux ans. Et là, le Premier ministre vietnamien a décidé de faire sa première visite bilatérale officielle en France.

C’est un évènement très significatif qui a été noté avec beaucoup d’attention en France. Les entreprises ont beaucoup apprécié et sont sensibles à ce geste. Je crois que les objectifs de cette visite ont été atteints et que la visite a été un succès. Nous avions des objectifs de relancer la coopération entre instituts des deux pays, entre États, mais également entre entreprises. L’objectif est atteint.

D’après vous, quels sont les avantages que les deux pays doivent promouvoir, et les défis à surmonter, pour concrétiser les engagements obtenus lors de la visite et approfondir davantage leurs relations de partenariat stratégique ?

Les entreprises également sortent de deux années difficiles durant lesquelles, elles ont beaucoup du mal à regarder à long terme, et à regarder loin à l’étranger. Avec cette visite, des entreprises françaises que j’ai rencontrées ont recommencé à se projeter à l’étranger et à regarder vers l’Asie du Sud-Est, et vers le Vietnam, parce que durant ces deux années, le Vietnam continue à progresser. Bien sûr ces derniers mois ont été un peu difficiles, mais globalement.

On a réalisé en Europe, durant ces deux dernières années, que le Vietnam était devenu un vrai acteur industriel qui compte. Quand les usines sont fermées au Vietnam à cause du COVID, comme c’était le cas de quelques semaines en été dernier, la presse en Europe en parle, parce que cela a créé des problèmes dans les chaines d’approvisionnement et de production. Donc, les entreprises françaises sont conscientes d'un avenir très prometteur au Vietnam et des espaces de coopération pour elles.

Alors votre message en tant que consultant d’investissement étranger au Vietnam ?

Message est simple. Le Vietnam est un pays stable et en développement depuis 30 ans. Il va continuer encore à connaitre un développement soutenus pendant de très nombreuses années. À mon avis, c’est une population travailleuse et avec un niveau d’éducation qui monte rapidement. Nous trouvons de bon ingénieurs, des cadres pour diriger des entreprises désormais relativement importantes. Tous ces changements, je les ai vu ces dix dernières années, et je peux en témoigner auprès des entreprises françaises. Je me souviens du Vietnam d’il y a trente ans là, quand je suis venu pour la première fois, quand j’étais consul général en l’an 2000, quand j’étais ambassadeur en 2012, et maintenant 2021. Il y a une tendance continue d’amélioration, de progrès, le tout dans une grande stabilité sociale et politique. Donc les entreprises ne prennent pas beaucoup de risques, à mon avis, à investir au Vietnam.

Le seul obstacle qu’il faut franchir est bien d’angle culturel. Il faut que les entreprises françaises et vietnamiennes se comprennent. Leur façon de faire des affaires et leur façon de réfléchir sont différentes. Ils peuvent y avoir des malentendus, entre Français et Vietnamiens, sans même le savoir et sans même le vouloir. Il faut un effort de rapprochement et de compréhension mutuelle. C’est aussi mon travail, en tant que consultant et avec connaissances de la région, d’aider les entreprises françaises à savoir comment intervenir. Le principal obstacle il est là, dans la culture. Si non les sociétés ont envie de venir.

Je crois que les Vietnamiens et les sociétés vietnamiennes ont, elles aussi, envie d’avoir plus de présence française au Vietnam. Nous avons vraiment à y gagner des deux côtés.

Le Premier ministre vietnamien Pham Minh Chinh (gauche) et son homologue français Jean Castex, le 3 novembre à Paris.
Photo : Duong Giang/VNA/CVN

Comment faire pour franchir les différences culturelles et mieux se comprendre ?

J’ai d’habitude de dire que les Français parlent beaucoup et n’écoutent pas assez, et les Vietnamiens, par contre, écoutent beaucoup mais ne parlent pas assez. Donc il y a des efforts à faire des deux côtés. C’est-à-dire, il faut que les Vietnamiens parlent plus pour se faire comprendre, et les Français acceptent d’écouter un peu plus, et donc il faut passer du temps ensemble. Il faut ne pas avoir d’a priori, très ouvert et savoir que les deux côtés ont vœux de la coopération. Et quand on fait d’efforts cela marche très bien. Il y a des sociétés françaises qui ont très bien réussi au Vietnam.

Et je suis sûr que dans l’avenir, nous aurons des investisseurs vietnamiens qui viendront en France. Parce que maintenant il y a de très belles sociétés au Vietnam qui peuvent investir en France. Mais elles aussi, elles devront découvrir des aspects culturels qu’elles ne connaissent pas, et s’adapter aux mœurs et coutumes françaises. Mais je pense que c’est tout surmontable, dans ce sens que dans l’autre.

La région Indo-Pacifique attire de plus en plus l’attention des grands pays dont la France. Alors, où se trouve la position de Asie du Sud-Est et notamment du Vietnam dans la ligne géopolitique de la France ?

La France a développé depuis quelques années une stratégie Indo-Pacifique parce que cette région du monde est un carrefour stratégique pour le commerce international et aussi une zone de rencontre entre plusieurs puissances régionales et mondiales. Donc c’est une région qu’il faut regarder de très près. Et une très grande partie du commerce maritime passe par là. Donc il faut s’assurer que les bateaux puissent continuer à naviguer sans difficulté. C’est de l’intérêt à tout le monde. Et enfin, comme je l’ai dit précédemment, désormais l’Asie du Sud-Est dans son ensemble est une zone de production industrielle très importante. À part le Vietnam qui est un poids lourd en Asie du Sud-Est, ses voisins sont aussi des puissances qui comptent. L’Indonésie, le Singapour, la Thaïlande, la Malaisie sont des pays où les investissements directs étrangers se rendent également. Il y a de très bonnes raisons pour que la France s’intéresse à cette région, soit plus présente militairement, mais également par la coopération avec tous ces pays, et aussi nous l’espérons avec nos entreprises. Il faut créer des liens dans tous les secteurs, c’est l’objectif de la stratégie Indo-Pacifique, tout en participant avec nos moyens à la stabilité régionale.

Propos recueillis par Thu Hà NGUYEN/CVN

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