Au début des années 80, la brasserie française était sur le point de disparaître, explique Robert Dutin, auteur du Guide des brasseurs et bières de France (sorti début juin). Mais ce temps est révolu : en 2010, il y avait 334 microbrasseries dans l'Hexagone et on en dénombrait environ 600 en 2013. "Elles ont ouvert partout en France et les prévisions sont toujours à la hausse", note Robert Dutin.
Bruno Torres, le propriétaire de la microbrasserie «La Baleine», pose à Paris. |
Cela semble difficile à croire, quand on sait que la consommation globale de bière ne cesse de diminuer. "On perd 1% par an depuis 1976", explique Pascal Chèvremont, délégué général de l'association des Brasseurs de France. Les Français boivent 30 litres de bière par an et par personne quand les Allemands en consomment 100 litres. La France, pays de vignobles et de grands crus, est le 26e pays consommateur sur 28 dans l'Union européenne.
Mais contrairement à la bière industrielle, la bière artisanale connaît une croissance insolente. "Nous avons une progression à deux chiffres depuis plusieurs années", se félicite Cindy Durchon, directrice de la Brasserie des Cimes, à Aix-les-Bains (Savoie), où travaillent douze personnes.
Le mouvement est né aux États-Unis et au Canada dans les années 90. Il touche maintenant l'Europe, y compris des pays très amateurs de bière comme l'Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas.
Au pays du vin, si on ne boit pas beaucoup de bière, on en boit de mieux en mieux. "La bière devient quelque chose de plus raffiné", estime Robert Dutin. Il les dit "moins amères", "plus douces". On s'offre même de la bière en cadeau, au même titre que le vin.
Il y aurait 2.000 bières différentes en France. La Brasserie des Cimes propose cinq bières de spécialité, dont la "Yéti" et l'"Aiguille blanche", vendues à la brasserie et dans les grandes surfaces de la région.
Contrairement à la bière industrielle, la bière artisanale connaît une croissance insolente. |
"Notre produit séduit les femmes comme les hommes", raconte Mme Durchon. "Nos clients ont envie de sortir des propositions des grands groupes pour se tourner vers des produits locaux", explique-t-elle.
"Le leitmotiv chez ces micro-brasseurs, c'est qu'ils ne parviennent pas à répondre à la demande, malgré des progression de volumes produits entre 10% et 20% par an", explique M. Dutin. De plus en plus de jeunes se forment pour devenir brasseurs et les écoles de formation ont des listes d'attente.
Pour tous les goûts
Bruno Torres a, lui, ouvert la brasserie La Baleine dans un quartier populaire de Paris au printemps 2013. Il était photographe dans la pub et a décidé de changer de vie. Il avait pensé au vin, puis a découvert la bière et a fini par se lancer. "J'aime la créativité, la liberté qui existe avec la bière", dit-il.
En un an, il a séduit caves à vin, épiceries fines, restaurants... Bruno Torres propose notamment une bière fumée à la tourbe qui séduit les amateurs de whisky. Sa bière blonde, au goût d'agrume, est proposée dans un restaurant de poissons. "Mes bières sont faites pour aller avec des plats", explique-t-il.
La bière séduit des amateurs de vin. "D'ailleurs, de nombreuses microbrasseries ont été créées par des oenologues", explique Robert Dutin. La bière a désormais ses spécialistes, les biérologues. Entre les différents malts, houblons et levures, "les possibilités de goût sont quasi-infinies", assure-t-il.
La bière artisanale représente à peine 3% du marché mais "tire l'ensemble vers le haut" : "depuis 3 ou 4 ans, la gamme des grandes brasseries a évolué en qualité", se félicite Robert Dutin.
Profitant du dynamisme de ce marché, les grands industriels se sont mis aux bières de spécialité. "Les grands brasseurs créent chaque année de nouvelles bières", souligne Pascal Chèvremont.
"Avant, on pouvait dire +Je n'aime pas la bière+. Mais aujourd'hui, il y a une bière qui correspond à chacun; il y en a pour tous les goûts", vante-t-il.
AFP/VNA/CVN