>>Paris : un blessé et un mort lors d'un contrôle, les policiers en garde à vue
Séance d'entraînement de policiers au tir, le 10 juin au commissariat de Chessy, en Seine-et-Marne. |
"Vous venez d'être appelés par des passants affolés : un individu armé a été signalé dans un véhicule sur un parking", lance Grégory, policier formateur aux techniques et à la sécurité en intervention (FTSI), en démarrant une vidéo.
Sur le film : la voiture, où l'on devine une silhouette. Très vite, un homme armé ouvre la portière et pointe son arme en direction des policiers. "Sors !", crie Cyril, debout face à l'écran, casque anti-bruit sur les oreilles et lunettes de protection sur les yeux.
"Tac ! Tac ! Tac !" À ses côtés, Laure (prénom modifié) une lieutenante, vient de tirer, après les sommations, trois cartouches avec son arme de service. Cyril deux, le tout en moins de cinq secondes.
La vidéo terminée, le formateur ne s'attache pas à relever les impacts. Le but de la séance : travailler le "discernement" du policier, évaluer les situations lors desquelles tirer ou non, ou encore la coordination entre équipiers, des aspects de plus en plus travaillés ces dernières années.
"Dans quel cadre légal vous vous trouvez ?", poursuit Grégory, le formateur.
"La légitime défense", répond Cyril. "L'article 435-1 du CSI (code de sécurité intérieure, NDLR)", précise Laure. Les deux agents sont interrogés sur le contenu du texte régissant leur usage des armes depuis 2017. Il stipule que les policiers ne peuvent tirer qu'"en cas d'absolue nécessité" et de "manière strictement proportionnée" à la menace.
Ici, "leur intégrité physique était en danger, donc l'emploi de l'arme était justifié", explique le formateur. Mais impossible de donner aux policiers une liste des situations lors desquelles tirer ou non. "On donne des grands principes généraux de sécurité et, à partir de là, le policier fait son choix opérationnel", explique le commandant Ludovic Delenclos, chef adjoint à la direction de la formation de la police nationale.
"Quelques secondes"
Il se refuse à commenter les récentes affaires de contrôles routiers, qui ont remis cette question dans le débat, alors que quatre personnes ont été tuées par des tirs policiers : une dans le 18e arrondissement le week-end dernier, deux sur le Pont-neuf à Paris en mai, une autre en mars en Seine-Saint-Denis.
"Le policier ne dispose que de quelques secondes pour analyser une situation qui le met dans un danger possiblement mortel", observe-t-il, précisant que "ce sera à la justice de dire s'il fallait tirer ou non".
Aujourd'hui, après avoir été formé à l'utilisation d'armes de poing en école de police, chaque policier doit effectuer trois séances de tirs par an, avec 90 cartouches tirées au total. Ces séances font partie des 12 heures - portées à 15 depuis début 2022, selon le commandant Delenclos - de formation continue aux "techniques et à la sécurité en intervention".
"Insuffisant", juge la syndicaliste d'Unité-SGP, Linda Kebbab. "Personne ne peut prétendre être un bon tireur avec trois séances de tirs par an".
Les derniers chiffres officiels communiqués en 2017 faisaient état de 51% des policiers n'ayant pas bénéficié des trois séances réglementaires, selon un rapport de la Cour des comptes.
"Moins peur"
Séance d'entraînement de policiers au tir, le 10 juin au commissariat de Chessy, en Seine-et-Marne. |
Or, "un policier mieux formé a moins peur sur la voie publique" et peut mieux assurer sa sécurité et celle des citoyens, explique Thierry Collas, formateur à l'école de police de Nîmes et délégué zonal UNSA.
Il note toutefois que "la situation a un peu évolué" depuis 2017 et que "les fonctionnaires, dans leur très grande majorité, font leur trois séances de tirs".
Mais, nuance-t-il, la hiérarchie n'arrive pas toujours à leur libérer assez de temps pour le volet "rappels déontologiques, légitime défense" ou les autres "exercices de techniques d'intervention". "L'opérationnel prend le pas sur tout ça".
"On a un problème pour recruter les policiers formateurs", souligne aussi Yvan Assioma, d'Alliance. Le syndicat réclame une prime pour ces agents "qui bouffent du plomb et du gaz toute la journée" et dont les cadences de travail ont augmenté avec les habilitations à faire passer aux policiers dotés d'armes lourdes depuis les attentats de 2015.