Foot : Ligue 1 contre diffuseurs, la bataille des droits TV est lancée

D'un côté, un championnat à l'arrêt. De l'autre, des diffuseurs aux grilles vidées. Et au milieu, une manne en suspens... La guerre des droits télévisés a commencé dans le football français, une bataille qui engage la survie financière de nombreux clubs de Ligue 1.

>>Canal+ refuse de verser les droits TV à la LFP en avril

>>Perte de 300 à 400 millions d'euros si la L1 ne repart pas

Photo : AFP/VNA/CVN

Canal+ a lancé la première offensive en informant la Ligue de football professionnel (LFP) qu'il n'honorerait pas le prochain versement des droits TV de la saison.

"En cas de force majeure, lorsque les matches ne sont plus livrés, les paiements sont suspendus. Là, on est en plein cas de force majeure", s'explique la direction de la chaîne cryptée auprès de l'AFP lundi 30 mars. "On applique strictement le contrat et on ne voit pas pourquoi on ferait autrement : Canal+ n'est pas une banque."

Ainsi, le diffuseur historique de la L1 ne versera pas dimanche 29 mars les 110 millions d'euros - 15% du montant annuel total - initialement attendus par les clubs de l'élite, bénéficiaires principaux de ce versement.

Déjà fragilisées par les mesures liées à la pandémie de coronavirus, dont la suspension des matches synonyme d'absence de revenus de billetterie, les écuries de Ligue 1 vont donc devoir intégrer dans leurs projections budgétaires ce nouveau manque à gagner.

Il sera lourd : les droits TV, qui représentent en effet près de 36% des recettes des clubs de L1 pour la saison 2018-2019, sont de loin leur plus grande source de revenus, selon le rapport de la DNCG, le gendarme financier du football français.

Des pertes "quoi qu'il arrive" 

Bernard Joannin, le président d'Amiens, a en tout cas "passé en revue tous les cas de figure", y compris celui d'une suspension d'une partie des droits télévisés. "Quoi qu'il arrive, ce sont des scénarios de pertes", explique-t-il à l'AFP, sans toutefois imaginer le pire.

"Avec les diffuseurs, on est dans une relation entre acheteur et fournisseur. Nous ne sommes pas dans un scénario de rupture. Ils ont des problèmes, nous avons les nôtres, un dialogue doit s'instaurer et des solutions seront trouvées. Je ne pense pas que la décision de Canal soit irrémédiable", estime le dirigeant, membre du Conseil d'administration de la LFP.

"Une fois que les conditions sanitaires seront remplies pour le gouvernement et que les choses pourront repartir, là on discutera des enjeux économiques", rétorque-t-on à la direction de la chaîne cryptée.

L'inquiétude des clubs pourrait grandir si beIN Sports, l'autre diffuseur du championnat, choisissait d'imiter Canal+. Contacté, le groupe qatari, qui doit honorer un versement de 42 millions d'euros en fin de semaine, n'a pas souhaité communiquer sur ses intentions.

De son côté, la Ligue a insisté sur le fait que Canal+ n'avait pour le moment réglé que deux tiers du montant total du contrat alors que près de trois-quarts des matches ont déjà été livrés, soit un écart de 43 millions d'euros.

Période d'incertitude 

En cas de non reprise des matches, la Ligue 1 perdrait cette saison de 300 à 400 millions d'euros. 
Photo : AFP/VNA/CVN

Et le président de la Fédération française, Noël Le Graët, interrogé par RTL, a martelé qu'il faudrait "faire attention à ce que chacun respecte ses engagements, le football d'abord et nos diffuseurs aussi".

Réponse de la direction de Canal+ : "Rien dans le contrat ne dit que les échéances sont liées à des matches diffusés. Il y a un calendrier de diffusion (des matches) et un calendrier d'échéances de paiement qui n'ont rien à voir", fait valoir la chaîne, qui a par ailleurs assigné la LFP devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir des dédommagements liés au reports de matches provoqués par le mouvement des "gilets jaunes" en 2018-2019.

Une période d'incertitude s'ouvre donc sur le foot français et son financement, d'autant qu'un autre versement est attendu pour début juin de la part de Canal+ et beIN. Et que la direction de la chaîne du groupe Vivendi évoque "potentiellement" une renégociation des dernières échéances une fois connues "la date et les modalités de la reprise".

Et pour ajouter au flou, la saison 2020-2021 doit être celle de l'explosion des droits télévisés, qui ont dépassé le milliard d'euros annuel pour la première fois avec l'arrivée sur le marché du groupe Mediapro, diffuseur majoritaire pour la période 2020-2024.

Mais tant que la fin de saison 2019-2020 n'est pas reprogrammée, le calendrier de la saison prochaine est, lui aussi, en suspens. "Au Conseil d'administration de la LFP d'entamer le dialogue avec le nouveau diffuseur pour caler une date plausible de début de championnat", exhorte Bernard Joannin. Conscient toutefois qu'avant de pouvoir "mettre en place des plans d'action, il faudra connaître l'issue de cette pandémie".


AFP/VNA/CVN

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