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La gardienne de Lyon, Sarah Bouhaddi, lors de la finale de la Ligue des champions contre le FC Barcelone, le 18 mai 2019 à Budapest. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le foot féminin "manque de reconnaissance et de l'exposition qu'il mérite en général et là, par la force des choses, il disparaît de l'actualité", reconnaît Olivier Blanc, responsable de la section féminine de l'OL, quadruple championne d'Europe en titre.
Pas de besoin de crise sanitaire mondiale pour constater le gouffre abyssal qui sépare les deux mondes, tant médiatiquement que financièrement. Mais la pandémie actuelle est un bon révélateur, alors que le Mondial-2019 en France semblait avoir créé un élan.
Ainsi l'UEFA a-t-elle repoussé sans scrupule l'Euro-2021 des dames pour faire place à l'Euro-2020 des messieurs, reprogrammé à l'été 2021, sans prendre en compte l'avis des joueuses. "Je suis trop vieille pour un report en 2022", a ironisé Jessica Fishlock, internationale galloise de 33 ans, sur Twitter.
"Pas mises de côté"
Côté clubs, l'arrêt des compétitions dames est survenu à une période cruciale pour les locomotives françaises Lyon et Paris. Le leader du Championnat de France et son dauphin allaient s'affronter dans un choc décisif pour le titre, avant de disputer une demi-finale de Coupe de France et un quart de finale aller de Ligue des champions.
La reprise est donc attendue avec impatience dans ces deux clubs, et peut-être un peu plus ailleurs : les autres écuries de D1, moins bien nanties financièrement, redoutent plus qu'eux une interruption de longue durée.
Du côté de Fleury, actuel septième de première division, les joueuses sont toutes au chômage partiel, avec maintien de leur rémunération brute à hauteur de 70%.
"Quand vous divisez par deux le salaire de Mbappé, il roule toujours en Ferrari. Quand vous le faites pour le joueur de N2 (4e division masculine, ndlr) ou pour la joueuse, cela fait beaucoup plus mal", commente le président du club de l'Essonne, Pascal Bovis.
Si l'indemnité chômage versée par l'État sera remboursée, "le délai moyen de remboursement actuellement (est) d'un an", a appris le dirigeant, ce qui l'obligera à "demander un prêt-relais".
Autre souci pour Pascal Bovis : pour ses jeunes joueuses dotées de contrats fédéraux (payées par la FFF), leur bail s'achève "au 30 juin, donc il est nécessaire de terminer le Championnat à ce moment-là".
La Fédération assure pour sa part que le foot féminin, dont elle a la responsabilité, restera une priorité.
"Les filles sont traitées comme les garçons, notamment d'un point de vue financier. S'il y a des avances à faire, on va le faire. Les clubs seront payés", avance le président Noël Le Graët. "Qu'il y ait des difficultés dans les mois qui viennent, je vous l'accorde". Mais, ajoute-t-il auprès de l'AFP, "on n'a pas mis les filles de côté, bien au contraire".
"Sponsors fidèles" mais touchés
Les joueuses du PSG victorieuses du FC Barcelone avec notamment un but de Sabrina Delannoy, le 29 avril au Parc des princes. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
L'économie du foot féminin sera quoi qu'il arrive durement touchée. La crainte que les clubs et les sponsors réduisent la voilure la saison prochaine est réelle, même si les acteurs refusent de dramatiser.
Les clubs ayant une section professionnelle chez les dames et les messieurs "couperont automatiquement sur le budget du foot féminin, c'est certain car actuellement la D1 féminine n'est pas rentable", anticipe le président de Fleury.
À Lyon, cela ne sera sûrement pas le cas. D'autant que les partenaires historiques de l'équipe féminine la plus titrée d'Europe ne quitteront pas le navire. "Nous avons des sponsors fidèles sur des contrats de longue durée", explique M. Blanc.
Même discours au Paris FC, actuel cinquième du Championnat. Au-delà de l'aspect financier, "les sponsors s'engagent pour les valeurs fortes défendues par un club, pour une histoire", dit l'entraîneure Sandrine Soubeyrand, en insistant sur les relations humaines unissant les deux parties.
Dans un mariage, illustre-t-elle, "on sait qu'on ne va pas tout le temps traverser des périodes roses, de temps en temps il va y avoir des bleus et il faut savoir les encaisser. Mais on peut les encaisser plus facilement à deux qu'en se séparant".
À Fleury, M. Bovis confie aussi que les partenaires "vont rester". "Tous vont donner, mais ils vont donner moins", nuance-t-il cependant.
Si le budget de la saison en cours devrait être tenu, l'équation financière sera plus ardue l'an prochain. "Dans le meilleur scénario, il baisse de 30% (par rapport à cette saison) ; dans le moins bon, de 50 %", selon ses calculs.
AFP/VNA/CVN