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Un employé d'Autolib' devant une voiture en autopartage |
En fabriquant ses propres voitures électriques, les Bluecar, ou en développant son offre d'autopartage, le groupe de Vincent Bolloré a toujours reconnu qu'il visait en fait un autre marché, celui des batteries et du stockage de l'énergie. Le groupe diversifié français (médias, transport et logistique, stockage d'électricité...) est convaincu depuis longtemps que la mobilité du futur sera électrique et a beaucoup investi pour développer sa propre technologie de batterie LMP (lithium métal polymère) dans un marché mondial ultra-dominé par les batteries lithium-ion d'origine asiatique.
Il affirme disposer d'une pépite qui pourrait lui rapporter beaucoup d'argent, compte tenu de la forte croissance du marché des batteries pour l'automobile, les autobus ou le stockage de l'électricité. Pour Michael Salomon, fondateur et dirigeant du cabinet Clean Horizon, spécialiste du stockage d'électricité, la batterie LMP a "des avantages et des inconvénients qui se compensent".
"Elle est plus sûre et présente moins de risque d'incendie", mais elle doit rester à une température minimum de près de 60 degrés en permanence pour fonctionner, explique-t-il. Ainsi, les voitures qui en sont équipées consomment toujours un petit peu d'électricité, même à l'arrêt, ce qui oblige à les laisser branchées quand elles ne sont pas utilisées.
Made in France
Le groupe Bolloré souligne que ses batteries ne contiennent ni cobalt, ni terres rares, et qu'elles sont entièrement fabriquées en France. C'est une technologie "plutôt bonne", estime M. Salomon, mais "le problème c'est qu'elle a peu de clients aujourd'hui", alors que la concurrence asiatique, notamment chinoise, est de plus en plus rude. Dans l'automobile, des projets de coopération avec Renault, annoncés en 2014 avec grand bruit, ont été abandonnés. PSA fabrique toujours un modèle électrique de Bolloré, la Citroën E-Mehari, dans son usine de Rennes. Mais sa diffusion est très faible: 500 exemplaires doivent sortir des chaînes cette année et les projets communs dans l'autopartage annoncés en 2015 avec le premier constructeur français se sont enlisés.
Une station de voitures électriques en libre service Autolib', gérées par le groupe Bollorés à Paris |
Le gain de l'appel d'offres Autolib' et son lancement en fanfare en 2011 ont certes représenté une formidable publicité. "Cela a été un moyen de prouver que nos batteries fonctionnent bien, sont résistantes et sûres", indique un porte-parole du groupe. Cette vitrine a permis d'autres conquêtes pour des offres d'autopartage à Lyon, Bordeaux, Indianapolis, Turin, Singapour ou Los Angeles... Toujours avec les voitures électriques du groupe. Mais le divorce tumultueux à Paris va ternir son image et l'amputer de l'essentiel de son activité sur ce marché. Autolib' c'était 4.000 voitures en circulation, sur un total de 5.000 dans le monde pour le groupe.
Pari sur l'avenir
Chez Bolloré, on relativise: le marché réellement visé n'est pas l'autopartage "même si on a développé de vraies compétences, notamment dans les systèmes informatiques et la gestion de parcs automobiles". Le cœur de l'activité, ce sont les bus électriques, Bluebus, et le développement dans les systèmes stationnaires de stockage d'énergie pour stabiliser les réseaux électriques confrontés à l'essor des énergies renouvelables intermittentes, affirme l'entreprise.
Mais ces marchés sont tout juste naissants. Bolloré compte 80 bus électriques en circulation dans le monde, dont 48 à Paris, et il attend de gros appels d'offres pour faire tourner son usine française d'une capacité de 200 véhicules par an. La filiale Blue Solutions, qui porte les activités de batteries, a subi l'an dernier une baisse de chiffre d'affaires de 26%, à 81 millions d'euros, pour 19 millions de perte nette.
Cependant, le groupe Bolloré, dans son ensemble, a les reins solides, avec ses 18,3 milliards de chiffre d'affaires et près de 700 millions de bénéfice sur la même période. Au-delà des chiffres, les activités de mobilité et de batteries "restent très importantes", "c'est un pari sur l'avenir", dans lequel le groupe a investi près de 300 millions d'euros par an depuis l'an 2000, assure le porte-parole, soulignant que l'arrêt d'Autolib' "ne les remet pas en question".