Faut-il traduire Van Miêu par Temple de la Littérature ?

Pour tout touriste débarquant à Hanoi, le Van Miêu s’avère un must. Ce complexe architectural datant du XIe siècle comprend le Van Miêu proprement dit et le Quôc Tu Giam ou Collège des enfants de la Nation, notre première université.

>>Préserver les stèles en pierre du Temple de la Littérature

Le Van Miêu est destiné au culte de Confucius et à la glorification de notre culture traditionnelle. Effectivement, il ne présente qu’un aspect de notre culture traditionnelle, la culture savante fortement confucianisée  - comme en Chine, en République de Corée et au Japon - marquant l’Asie orientale. Ce que le Van Miêu ne dit pas, c’est l’importance de deux autres aspects de notre culture traditionnelle :

1. Le substrat culturel Sud-Est asiatique de la culture vietnamienne dont l’identité nationale s’était formée dans la période préchinoise, à l’âge du bronze, au cours du premier millénaire avant J.C.

2. La culture populaire qui avait suivi parallèlement la marche de la culture savante confucianisée au sein des villages, dépositaires d’une bonne partie du patrimoine national.

Un coin de l’ensemble du Van Miêu-Quôc Tu Giam.

Un Van Miêu à Hanoi et l’autre à Huê

La traduction officielle de ce mot en langues occidentales s’inspire de la traduction française : Temple de La littérature (de là, Temple of Literature en anglais, Literatur Tempel en allemand, El Templo de Literature en espagnol, etc.). Cette traduction est-elle exacte ? Il ne s’agit pas ici d’une argutie linguistique, mais d’un problème sémantique.

Au Vietnam, il existe tout un réseau de temples de Confucius sur l’ensemble du pays, appelés Van Miêu à la capitale, Không Miêu au chef-lieu de province, Van Tu et Van Chi à l’échelon village-canton-district. Il n’y a que deux Van Miêu, l’un à Hanoi inspiré par le modèle original chinois de Qufu, l’autre à Huê (province de Thua Thiên-Huê), bâti en 1808 au bord de la rivière des Parfums après le transfert de la capitale de Hanoi au Centre (1802) par la dynastie royale des Nguyên (1802-1945).

Dans les années 1884-1886, le Docteur Hocquard servant les troupes françaises au cours de la campagne du Tonkin, a eu l’occasion de visiter deux temples dans Hanoi, temples qu’il appelait pagodes (le mot pagode désigne plutôt un temple consacré à Bouddha). Le premier était le Temple Ngoc Son (Temple de la montagne de Jade). Le second temple visité par le Docteur Hocquard était la «fameuse pagode de Confucius», c’est-à-dire le Van Miêu, appelé alors par les Français de Hanoi «pagode des Corbeaux».

De nombreuses familles de corbeaux ont élu domicile dans ces arbres et s’y sont multipliés en paix sous la protection du philosophe. Au fur et à mesure que nous approchons, ces oiseaux détalent en poussant des cris lugubres.

Plusieurs traductions possibles

La dénomination la plus exacte pour désigner le Van Miêu serait donc : Temple de Confucius. Mais comment traduire le mot Van Miêu ? Le terme sino-vietnamien Miêu signifie : temple des génies, des esprits, temple où sont conservées les tablettes des ancêtres, petit temple. Van a beaucoup de sens : ligne, veine, tatouage, lignes ou dessins du ciel et de la terre, orner, lettres, écrits, littérature, culture, civilisation, beau, etc. il pourrait désigner un titre de noblesse de Confucius.

Madrolle a traduit Van Miêu par Temple de la Culture littéraire au lieu de Temple de la Littérature, ce qui, je crois, est plus proche de la signification réelle. Van évoquerait ici la culture confucéenne, la doctrine du lettré (nho) qui s’exprime surtout par l’écrit, la littérature dans le sens le plus général (latin : littérature = écriture, érudition), culture générale et non seulement belles lettres. Le dictionnaire annamite-chinois-français de G.Hue (1937) considère comme synonymes : van, van minh (civilisation), van hiên et van hoa (culture).

Chaque année, de nombreuses activités culturelles notamment celles liées à la littérature et à la lecture sont organisées à Van Miêu.

Faisons deux remarques : les humanités confucéennes ne distinguaient pas nettement littérature, culture, philosophie et histoire, les cultures de l’Asie orientale dominées par l’influence chinoise portent un caractère littéraire (l’écriture): selon Histoire de la littérature vietnamienne (1942) de Duong Quang Hàm, «la culture  chinoise a été introduite dans notre pays par plusieurs canaux mais essentiellement par le canal de la littérature, c’est-à-dire par les idéogrammes chinois et les ouvrages en caractères chinois apportés par les Chinois. C’est cette littérature chinoise qui a régi la pensée, l’érudition, la morale, la politique, les mœurs de notre peuple, l’essentiel de l’histoire littéraire du Vietnam».

Cao Xuân Huy, penseur taoïste, a écrit : «Confucius estime que l’objet de la connaissance, de l’histoire n’est pas un phénomène naturel, mais la poésie, le rituel, la musique, c’est-à-dire la religion, la culture traditionnelle de la dynastie des Zhou de l’Ouest». (La pensée de l’Orient, 1995). Au vu de ces considérations, au lieu de traduire Van Miêu par Temple de la Littérature, ne vaudrait-il pas mieux choisir l’une des traductions suivantes : Temple de Confucius, Temple de la Culture, Temple de la Culture confucéenne ?

Remarquons que le Van Miêu à Hanoi a été «vietnamisé» avec le culte du lettré vietnamien Chu Van An, l’installation de plus de 80 stèles en pierre où sont gravés les noms des docteurs ès humanités vietnamiens (entre 1442 et 1779) et l’adjonction du Quôc Tu Giam (Collège des enfants de la Nation).

Huu Ngoc/CVN

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