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Le patron de Facebook Mark Zuckerberg. |
"J'ai vu la nuit dernière que Mark Zuckerberg s'était excusé et avait dit qu'ils allaient faire des changements. Mais franchement, je ne pense pas que ces changements aillent assez loin", a déclaré jeudi 22 mars le ministre britannique de la Culture, Matt Hancock. Un point de vue partagé par les dirigeants européens qui ont demandé dans les conclusions de leur sommet à Bruxelles que les données liées à la vie privée jouissent d'une "protection totale". Le sujet avait été ajouté au dernier moment à l'agenda de cette réunion.
"Beaucoup de questions restent sans réponse", a commenté sur Twitter le président du Parlement européen Antonio Tajani, qui a dit attendre "avec impatience d'autres explications" du jeune patron de Facebook, invité à venir s'exprimer à Strasbourg. "Cela ne va pas suffire", a sèchement commenté, sur Facebook d'ailleurs, un élu démocrate à la Chambre des représentants américains, David Cicilline, pour qui Mark Zuckerberg "devrait s'exprimer devant le Congrès américain".
"Vraiment désolé"
Rompant un silence assourdissant depuis le début de la pire crise jamais connue par son entreprise, dans un contexte de défiance montante face aux mastodontes d'internet, le milliardaire de 33 ans a fini mercredi 21nmars par s'exprimer sur sa page Facebook, sur CNN et dans le New York Times. "Cela a constitué un abus de confiance très important et je suis vraiment désolé", a-t-il déclaré à CNN, assurant aussi qu'il "serait heureux" de venir témoigner devant le Congrès.
Dans le New York Times, celui qui a lancé le plus grand réseau social du monde depuis sa chambre d'étudiant à Harvard en 2004 a promis de "réparer le système pour que ce genre de choses ne se reproduise pas". Estimant que "les actions les plus importantes avaient déjà été prises" en 2014 pour contrôler des applications tierces telles que celle utilisée par Cambridge Analytica, Mark Zuckerberg a néanmoins concédé : "lorsque nous avons examiné les systèmes cette semaine, il y avait certainement d'autres choses que nous pensons devoir verrouiller également".
L'utilisateur "produit" des revenus de Facebook : valeur et activité des utilisateurs par région, évolution trimestrielle des revenus de la publicité |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Il a aussi indiqué que chacun des 50 millions d'utilisateurs potentiellement exposés au scandale serait personnellement averti. Mais le patron de Facebook a aussi reconnu qu'il fallait que le groupe réponde d'abord lui-même à la question de savoir s'il "n'y a pas d'autres Cambridge Analyticas (..) dans la nature", en clair d'autres applications susceptibles de siphonner et de transmettre des informations privées.
Le groupe californien est dans la tempête depuis que Cambridge Analytica est accusé d'avoir utilisé les données d'utilisateurs de Facebook pour développer un outil informatique permettant de cibler des électeurs, afin de peser dans la campagne présidentielle de Donald Trump en 2016. Cambridge Analytica, dont le patron vient d'être suspendu, aurait profité d'une application de tests psychologiques, "Thisisyourdigitallife", développée par le chercheur russe Alexandre Kogan, lequel refuse de porter le chapeau tout seul.
La société britannique "nous a assuré que tout était parfaitement légal et en conformité avec les conditions d'utilisation" de Facebook, a dit à la BBC cet enseignant en psychologie à l'université de Cambridge. La question est désormais de savoir si Facebook a volontairement ignoré que de telles applications pouvaient engranger des données privées, exploitables ensuite à des fins économiques ou politiques, ce que le groupe dément farouchement.
"Zuckerberg n'a prévenu personne"
Selon un ancien responsable d'exploitation de Facebook, Sandy Parakilas, interrogé par une commission parlementaire britannique, "Facebook était au courant de ce qui se passait et n'a prévenu personne". Mark Zuckerberg "connaissait les risques", déclare pour sa part Arthur Messaud, militant de la Quadrature du Net, association de défense des libertés sur internet.
Le patron de Facebook a fait de "simples annonces de bonne volonté", estime ce juriste, pour qui la vraie révolution serait que le réseau social modifie ses "conditions générales d'utilisation". "Lorsqu'on s'inscrit sur Facebook, par défaut on accepte une série de choses, qu'il s'agisse de l'accès des applications à nos données, ou des publicités ciblées ", critique-t-il.
Sans attendre l'acte de contrition de Mark Zuckerberg, des cabinets d'avocats américains ont annoncé avoir déposé des plaintes et recours en nom collectif (class action), et une campagne d'appels à se désabonner (#deletefacebook) a été lancée. Les procureurs de New York et du Massachusetts, imités par le régulateur américain du commerce (FTC), ont lancé une enquête. L'action Facebook a de nouveau chuté à Wall Street jeudi 22 mars, perdant 2,66% à 164,89 dollars, effaçant quelque 50 milliards de capitalisation boursière depuis lundi 19 mars.