Face au virus, l'Afrique subsaharienne en manque criant de matériel et de médecins

Pas assez de lits d'hôpitaux et de respirateurs, des médecins sous-payés et en nombre insuffisant, manque de services de base et parfois même d'eau courante. Alors que le coronavirus a été détecté dans 43 pays d'Afrique subsaharienne, les professionnels de santé sur le continent sont alarmistes.

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Pays et territoires comptant des cas confirmés de nouveau coronavirus, au 23 mars à 19h00.
Photo : AFP/VNA/CVN

L'Afrique comptait officiellement lundi soir 23 mars plus de 1.600 cas et une cinquantaine de décès. Les chiffres restent assez faibles par rapport au bilan mondial de la pandémie mais la progression du virus est rapide, les tests insuffisants et les services de gestion de la crise s'annoncent mal ou pas préparés. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a appelé la semaine dernière les gouvernements d'Afrique subsaharienne à "se réveiller" et à se préparer "au pire" des scénarios.

"Aucun pays au monde n'est vraiment préparé à cela, même ceux avec un système de santé d'habitude fonctionnel", explique le Dr Yusuf Tanko Sununu, à la tête du comité parlementaire pour la santé au Nigeria. "Et dans les pays pauvres, les hôpitaux font déjà face à de graves problèmes." Au Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique avec ses 190 millions d'habitants, le virus est passé de deux cas recensés à plus de 35 cas en moins d'une semaine.

Le ministre de la Santé, le Dr Osagie Ehanire, a affirmé lors d'une récente conférence de presse que le pays comptait 350 unités d'urgences. Il ne pouvait toutefois "pas donner de chiffres sur les respirateurs". "Mais ils sont sur notre liste de courses", a-t-il déclaré. "Tous les patients n'auront pas besoin de respirateurs (...), donc si dans des endroits il y en a besoin, nous pourrons les déplacer d'un endroit à l'autre."

Pas de quoi rassurer l'Association des médecins du Nigeria (NMA). Le pays ne compte "qu'un seul bon centre d'isolement à Lagos et il a une capacité de 50 lits seulement", s'inquiète son président le Dr Francis Faduyile. "Entre 70 à 80% de nos institutions de santé n'ont pas d'eau courante ou suffisamment propre pour se laver les mains !" "Nous n'avons pas de masques FPP2, ou du moins, on ne sait pas combien on en a", explique-t-il. "Nous ne savons pas combien on a de respirateurs à travers le pays, mais on sait que leur nombre est inadéquat".

La NMA a donc décidé de recenser le matériel médical disponible en dehors des circuits officiels. "On s'organise nous-mêmes, on demande à nos médecins de faire remonter les informations". Le Nigeria compte 42.000 médecins généralistes enregistrés en 2019, selon la NMA. Dans un pays comme la France, trois fois moins peuplée, ils sont 226.000.

"J'ai peur"

Si dans tous les pays africains, les discours officiels se veulent rassurants, les chiffres sur les équipements et le personnel médical sont flous et la situation est très sombre.

Une infirmière et une des trois ambulances en état de marche de la clinique Zengeza à Chitungwiza, au Zimbabwe, à 30 km au sud-est de Harare, le 20 mars.
Photo : AFP/VNA/CVN

Un haut responsable du ministère de la Santé au Kenya a confié, sous couvert d'anonymat, que "dans les 47 provinces que compte le pays, seuls 25 hôpitaux publics sont équipés d'unités d'urgences, et la plupart ne sont pas fonctionnelles". Le Cameroun, qui recensait officiellement près d'une soixantaine de cas de COVID-19 lundi 23 mars, "n'a aucune capacité pour gérer les cas graves", assure un responsable d'une ONG internationale basée dans ce pays d'Afrique centrale. "Si l'épidémie se propage, cela va être très grave".

Le Cameroun fait déjà face à d'autres épidémies, comme bien d'autres pays africains. Elles sont souvent concentrées dans les régions les plus reculées, ou dans les camps de personnes déplacées par les conflits (choléra, rougeole, fièvre hémorragique de Lassa...). Ce pays, comme la Centrafrique, la Somalie, le Tchad, compte moins d'un médecin pour 10.000 habitants, et tous présentent déjà des cas de COVID-19.

À ce tableau bien noir viennent s'ajouter des crises économiques ou environnementales aux racines déjà bien profondes dans de nombreux pays. "La pandémie intervient au moment où le système de santé du Zimbabwe est au plus bas", constate le Dr Norman Matara, de l'Association des médecins du Zimbabwe pour les droits humains (ZDHR), alors que le pays, frappé par vingt ans de crise économique, d'hyperinflation mais aussi par des pénuries de carburants, de médicaments et de denrées alimentaires, comptait deux cas lundi 23 mars.

"J'ai peur", a réagi Nkululeko Sibanda, porte-parole du principal parti d'opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC). "Les files d'attente aux stations essence, aux arrêts de bus (...) vont être des endroits très dangereux". Si le coronavirus atteint ces endroits, "on va tomber comme des mouches", a-t-il dit.


AFP/VNA/CVN

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