Fabriquer son couteau à Hanoï

Le village de Da Sy, en périphérie de Hanoï, propose un atelier de coutellerie à tous ceux qui s’intéressent à cet artisanat. Sous la tutelle experte du maître-artisan Hoàng Van Chinh, chacun peut repartir avec un couteau fait de ses propres mains.

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La forge de l’artisan Hoàng Van Chinh (centre).

Certains souvenirs sont plus mémorables que d’autres. Nombreux sont les artisans qui proposent aux étrangers (touristes, expatriés, citadins, etc.) de fabriquer eux-mêmes des objets tels que céramiques, bijoux, œuvres d’art et objets de décoration typiques du Têt. En revanche, la fabrication artisanale de couteaux vietnamiens, que l’on ne trouve nulle part ailleurs, demeure pour plusieurs un souvenir intarissable et authentique qui mélange praticité et originalité.

Les ateliers pratiques sont organisés par la guide locale Vu Hông Thanh, et dirigés par le maître-artisan Hoàng Van Chinh, 48 ans, célèbre dans la localité. Chinh guide les apprenants qui souhaitent s’initier à la métallurgie de base à travers deux à quatre heures de leçon pratique. De l’avis de plusieurs touristes, cela est plus mémorable et utile que la plupart des souvenirs que l’on peut acquérir dans une boutique au Vietnam.

Da Sy, un village au riche passé métallurgique

Dès le matin jusqu’à la fin de l’après-midi, le son d’acier et de fer battu résonne à travers les rues, à la manière d’un chœur de martelage sur les enclumes familiales. Situé à environ 40 minutes en taxi au sud de Hanoï, le village de Da Sy est l’un des endroits les plus recommandés à cause de sa proximité de la capitale.

L’apprentissage ou simplement l’observation se fait sous des pratiques de forgeage qui datent de près de 3.000 ans, au début de l’âge du fer. Cette expérience nous permet d’acquérir des notions qui prennent leurs racines dans la culture du bronze remontant à la période Dông Son à partir de laquelle la ferronnerie a grandement évolué. Durant les guerres, cette localité fut au centre de la fabrication d’armements. Depuis que le pays est entré dans une période de paix il y a 40 ans, les forgerons de Da Sy se sont tournés vers la fabrication d’outils agricoles tels charrues, houes, faucilles et pièces de machine. La qualité et la durabilité des outils fabriqués à Da Sy sont appréciées dans tout le Vietnam.

À l’âge de 12 ans, Chinh fût introduit à la profession de coutelier par son père. Son savoir-faire est une tradition familiale remontant à trois générations, qui a débuté durant la période coloniale française. «Ma famille a commencé à travailler avec le métal à l’arrivée du chemin de fer, raconte Chinh. Parmi toutes les autres familles d’artisans à Hà Dông, nous sommes les seuls qui continuent à pratiquer cet art depuis autant de temps».

Ses cours pour les étrangers et la vente de couteaux représentent la plus grande partie de son revenu. Cependant, il fabrique également d’autres outils dont des ciseaux et des instruments de jardinage et d’agriculture. Ainsi, Thanh, guide-accom-pagnatrice, s’est adressée à Chinh afin de lui proposer d’inclure son atelier dans sa liste des activités qu’elle propose à son agence de voyage «Hanoi and Around with Thanh» (Hanoi et ses environs avec Thanh).

Elle occupe à la fois le rôle de guide et de traductrice anglophone et s’assure que les personnes suivent les instruc-tions de Chinh à la lettre. En addition, l’agence propose des visites guidées pour découvrir la culture et les produits vietnamiens aussi bien gustatives que visuelles dans des ateliers de cuisine, de teinture, de bijouterie et de peinture autour de Hanoi.

Une fabrication traditionnelle

Les couteaux et les ciseaux de Da Sy sont réputés pour leur résistance et leur lame robuste et pointue.

Le processus de fabrication consiste en plusieurs étapes. Tout d’abord, l’apprenant commence par sculpter minutieusement les deux segments du futur manche dans des petites planches de bois à l’aide d’un outil tranchant, qui seront joint ensemble une fois la lame achevée.

Puis, la silhouette du futur couteau est tracée sur une plaque de métal, soigneusement sélectionnée pour sa robustesse immuable qui durera pendant les années à venir. Les types d’acier dépendent essentiellement de leur usage et de leur taille. Le maître-artisan possède de multiples exemplaires de couteaux au cas où l’apprenant manque d’inspiration, tels que couteaux de chef-cuisinier, épluche-légumes, couteaux à dépecer la viande, etc.

À l’aide d’un coupeur, d’un marteau de forge et d’un ciseau, la lame et la soie (la partie du métal sur laquelle sera fixé le manche) sont taillées et introduites dans un petit four alimenté de braises dégageant une chaleur intense. Une fois la lame chauffée jusqu’à l’incandescence, l’apprenant et Chinh battent tour à tour le métal sur l’enclume au moyen du marteau pour aplatir et façonner davantage la lame. Cette étape est répétée à plusieurs reprises avant que la lame ne soit dirigée vers la meule pour être aiguisé par l’élève munis de gants et de lunette de protection. Chinh propose de graver des initiales ou n’importe quel dessin dans le métal ou le manche pour le rendre unique.

L’affûtage nécessite différentes manipulations. La lame est d’abord trempée dans un produit chimique à base de goudron. «La recette du produit chimique est un secret familial, s’exclame Chinh. Nos concurrents ont souvent tenté de le reproduire, mais aucun d’entre eux n’ont réussi». Ce mélange ajoute une meilleure résistance au couteau et rend l’aiguisage plus efficace.

Enfin, l’étape ultime consiste à frotter la lame sur une pierre à aiguiser puis sur une pâte à polir. Une fois achevé, le manche y est fixé de chaque côté grâce à des rivets. Chinh brûle et trempe dans l’eau les deux segments du manche pour s’assurer qu’ils ne s’imprègnent de moisissure et qu’ils ne se déforment pas.

Aujourd’hui, les couteaux et les ciseaux de Da Sy sont réputés pour leur résistance et leur lame robuste et pointue. Bien que les outils fabriqués en série aient inondé le marché ces dernières décennies, les habitants de Da Sy sont confiants quant à l’avenir de leurs produits. De plus, les conceptions des produits artisanaux fabriqués à la main sont beaucoup plus variés et individualistes. Environ 100 modèles de couteaux et plus de 10 types de ciseaux sont conçus dans ce village. Différents modèles sont en vente à l’atelier. Le prix de la session est de 450.000 dôngs et bien évidemment l’apprenant repart avec son couteau. Les activités culturelles de type «accompagnement à la fabrication d’objets artisanaux» offrent des débouchés intéressants pour diversifier l’offre en lien avec le développement du tourisme culturel à Hanoï et partout au Vietnam.


Pour réserver une session, Vu Hong Thanh est joignable au
016 75 76 76 92
Pour plus d’information sur les tours en compagnie de Thanh :
https://www.facebook.com/hanoiandaroundwiththanh


Texte et photos : Yoakim Thibeault-Jacobsen/CVN

Rédactrice en chef : Nguyễn Hồng Nga

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