La pagode de Thiên Tru se pare de ses plus beaux apparats pour le pèlerinage qui suit le Têt. |
La pagode Huong, appelée aussi la pagode des Parfums, se trouve à quelque 70 km au Sud de Hanoi. C’est un complexe de pagodes construites à même le flanc de la montagne. Le lieu est perdu au milieu de nulle part, mais il fait toujours partie de la capitale, qui s’est agrandie en 2008, pour tripler sa superficie. C’est donc en bus de ville que je mènerai mon expédition. Ma première dans les transports publics vietnamiens. Après deux mois passés dans la capitale, il était temps. Finalement pas de quoi en faire toute une histoire. Excepté peut-être deux petites particularités non négligeables à connaître. On ne prend pas son ticket auprès du chauffeur comme dans beaucoup d’autres pays. On s’assied (si on peut) et un préposé vient vous réclamer son dû. Pas très économique comme méthode mais la fraude est impossible. Et cela crée de l’emploi. Moi évidemment, en bonne française qui se respecte, j’ai demandé le prix au conducteur avec mon accent à couper au couteau. Tous les passagers ont bien ri. Deuxième originalité : les noms des arrêts ne sont pas inscrits aux stations. Très pratique quand on ne connaît pas la ville.
Deux amies vietnamiennes me rejoignent ensuite pour partir vers cette nouvelle découverte. Plus de places assises pour faire les deux heures trente de route. Qu’à cela ne tienne, tabourets à l’appui au milieu de l’engin, nous voilà partis, dans un confort quelque peu spartiate.
Avec des Vietnamiennes pour éviter des déboires
La grande grotte de la pagode des parfums, nichée dans la montagne. |
Arrivés sur place, les xe ôm (motos taxis) locaux sont encore et toujours là pour nous accueillir avec leur sourire intéressé. Ils proposent de nous emmener à la pagode pour 10.000 dôngs. Située à deux kilomètres, selon leurs dires. Nous choisissons d’y aller à pied. Il n’y en avait même pas un seul. On les reconnaît bien là.
Et nous voici donc à notre seconde escale, un petit port. Nous allons prendre une barque et longer la rivière pour atteindre la pagode. Nous prenons donc nos billets, mais une surprise nous attend : il faut six passagers par barque. Histoire de rentabiliser. Le cas échéant, nous devrons payer les places vacantes. Et si je n’avais pas été avec des locaux, mon sort aurait été scellé. «Pas très agréable, me dit l’une de mes amies, la dernière fois on n’avait pas payé en plus !». Ceci étant dit, nous avons embarqué avec un couple qui, malgré sa froideur apparente, a égayé notre journée : «Ce soir, on a une voiture pour rentrer !», me lance mon amie. L’hospitalité vietnamienne, ce n’est pas une légende.
En tout cas, notre barque de fortune nous attend. Pas la grande aventure en soi. Mais lorsqu’elle est remplie, son bord est à dix centimètres de l’eau. Et dès qu’un passager bouge, elle tangue dangereusement. Toutefois, nous voici partis pour 50 minutes de traversée le long de la rivière Yên Vi. Sans aucun doute le moment le plus paisible et agréable de la journée. Avec des lotus au bord de l’eau, les montagnes Huong Son à l’horizon, et le soleil, qui, défiant le froid et la brume, pointe le bout de son nez pour nous réchauffer timidement de ses rayons. Je vous avoue tout de même que les rares bateaux à moteurs que nous avons croisés nous ont donné quelques sueurs froides. Car les vagues qu’ils généraient avaient la ferme intention de nous faire chavirer.
Arrivés sur place, la pagode des Parfums se décline en deux parties. Quelques pagodes classiques, auxquelles on accède en montant une trentaine de marches. Elles sont construites par paliers. Et puis une pagode nichée au fond d’une grotte, dans les hauteurs.
La balade en barque sur la rivière Yên Vi, une étape sympathique mais parfois risquée. |
Photo : Thanh Tùng/VNA/CVN |
Nous nous rendons dans celle de Thiên Tru. Quelques touristes sont là. Mais aussi des Vietnamiens venus se recueillir. Je retire mes chaussures. Nous n’avons pas le droit de prendre de photos. Le lieu est majestueux et solennel à la fois. L’une de mes amies fait quelques prières.
Il faut y aller. Je regagne le froid, et m’assieds sans ménagement sur une tortue en pierre pour me rechausser. «Non, tu ne peux pas t’installer ici ! C’est un animal sacré !», me lance mon amie. Il est vrai que ça ressemblait vraiment à un siège… Mais je connais désormais l’histoire. La tortue symbolise des siècles de lutte pour l’indépendance du Vietnam. Selon la légende, le roi Lê Loi (prononcer Lé Loï) a vaincu les envahisseurs chinois au XVe siècle grâce à une épée magique offerte par les dieux. Après la victoire, il serait allé sur le lac Hoàn Kiêm à bord d’un bateau lorsqu’une tortue géante est apparue et a pris l’épée dans sa bouche avant de plonger dans l’eau pour la garder jusqu’à ce que le pays en ait de nouveau besoin.
Une ascension qui vaut le coup
Les stèles en l’honneur des doctorants, où la tortue symbolise la sagesse. Un objet sacré sur lequel il ne faut pas s’asseoir… |
Photo : Éloïse Levesque/CVN |
Passé ce petit incident, il est temps de découvrir la grotte. Nous sommes prévenus, «480 marches», selon les commerçants… ou les télécabines… au choix. J’ai trouvé moins téméraire que moi, je suis ravie ! Je me lance à la poursuite de cette ascension à pied avec mon amie, tandis que sa sœur paiera 80.000 dôngs pour emprunter le câble. Il parait que c’est très dur sous une grande chaleur. Mais nous n’avons pas beaucoup souffert. Il y avait du plat au milieu des restaurants et cafés qui se préparaient pour le Têt. Et jamais plus de 50 marches à la fois. Même si, notons le avec le sourire, les marches étaient très hautes, comme c’est souvent le cas au Vietnam. On n’en trouve jamais de pareilles en Europe alors qu’on est bien plus grand.
Enfin nous arrivons en haut. Au milieu de cette grotte en contrebas, entièrement rebaptisée en lieu de culte. Il ne fait pas froid. Car le soleil éclaire l’entrée. En bas, des chants religieux accueillent ceux qui veulent prier. C’est un lieu paisible. Mon expédition en valait la peine. Si vous venez pendant les périodes de pèlerinage qui suivent le Têt, la pagode peut recevoir jusqu’à 30.000 visiteurs par jour… la sensation sera sûrement bien différente… Toutefois, la nuit va bientôt tomber, et nous devons penser à rebrousser chemin. Après ce bol d’air frais, je sens comme un parfum de fatigue.
Eloïse Levesque/CVN