Coronavirus
Entre cas réels et cas détectés, l'épidémie avance masquée

C'est la part d'ombre de la pandémie provoquée par le coronavirus : dans la plupart des pays, le nombre réel de personnes infectées est largement supérieur à celui des cas officiellement déclarés positifs, un décalage qui dépend des différentes politiques de tests.

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COVID-19 : bilan mondial.
Photo: AFP/VNA/CVN

"Il y a sans doute entre 5 à 10 fois plus" de cas réels que de cas testés positifs "dans la plupart des pays développés", assure le chercheur américain Jeffrey Shaman (Université de Columbia), coauteur d'une étude sur le sujet qui vient de paraître dans la revue Science. Mardi 17 mars, le gouvernement britannique avait jugé "raisonnable" d'estimer à 55.000 le nombre d'infections, contre 1.950 officiellement recensées à ce moment-là. D'où vient cet écart ? D'abord du fait qu'une proportion notable des personnes infectées ne développe que peu de symptômes (voire pas du tout).

On estime que cela peut concerner "30 à 60% des sujets infectés", souligne l'institut Pasteur sur son site. Ces cas-là échappent donc facilement à la détection. "Ils continuent à vivre normalement, à travailler, à utiliser les transports en commun, à faire du shopping; ils vont dans d'autres endroits en voiture, en train ou en avion. Involontairement, ces porteurs silencieux facilitent la propagation du virus", selon Jeffrey Shaman. On ne sait toutefois pas exactement quel poids ils pèsent dans l'épidémie : en effet, quelqu'un qui ne tousse pas est a priori moins contagieux que quelqu'un qui tousse (et projette ainsi des postillons chargés en virus).

Au-delà de ces cas, le décalage dépend de la politique de tests plus ou moins larges de chaque pays. Elles sont très différentes de l'un à l'autre. "Il y a plusieurs raisons à cela : la disponibilité des tests, les capacités de tests des pays, l'ignorance - le fait de ne pas prendre le problème au sérieux- ou l'arrogance, c'est-à-dire la fierté nationale", estime Jeffrey Shaman.

Stratégie agressive

"En Corée du Sud, où l'épidémie décline, le vrai tournant a été la forte augmentation du nombre de tests", explique Cécile Viboud, épidémiologiste au NIH (Instituts américains de la santé). "Il faut savoir où l'épidémie en est pour agir. Et pour cela, il faut tester". "Testez, testez, testez ! Testez chaque cas suspect", a d'ailleurs exhorté lundi 16 mars le patron de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, en soulignant que cela s'inscrivait dans une stratégie bien précise pour circonscrire l'épidémie, comme on circonscrit un incendie.

"Si les tests sont positifs, isolez ces patients, trouvez avec qui ils ont été en contact rapproché jusqu'à deux jours avant l'apparition des symptômes et testez ces personnes à leur tour", a-t-il martelé. La stratégie basée sur les tests généralisés et le "contact tracing" (rechercher les personnes en contact avec un cas positif) a porté ses fruits à Singapour.

"Singapour a mis en place très tôt une politique agressive de tests, de +contact tracing+ et de mise en quarantaine" des personnes-contact de patients testés positifs, analyse Sharon Lewin, directrice de l'Institut Doherty, l'une des plus grandes expertes mondiales des maladies infectieuses.

Stand de dépistage du coronavirus à l'extérieur de l'hôpital Yangji à Séoul, le 17 mars
Photo: AFP/VNA/CVN

Cela a permis d'éviter les lourdes mesures prises par d'autres pays, souligne-t-elle : "Singapour a pris des mesures de +distanciation sociale+ (éviter les contacts, ndlr), mais pas aussi extrêmes que le confinement généralisé. Ils ont fermé les écoles, mais pour deux ou trois semaines seulement. Et ils ont interdit les rassemblements, mais les gens pouvaient toujours aller travailler". Pour être efficace, une telle stratégie doit toutefois être adoptée rapidement, avant qu'un trop grand nombre de cas ne la rende plus compliquée à mettre en œuvre.

Tests rapides ?

En France, des voix se sont élevées pour déplorer que des tests n'aient pas été réalisés de façon massive. Comme dans d'autres pays, les critères ont évolué au fur et à mesure que l'épidémie progressait. Dans un premier temps, tout cas suspect était testé. Aujourd'hui, alors que le virus circule sur tout le territoire français, "les tests sont limités aux malades hospitalisés, fragiles, aux professionnels de santé (qui présentent des symptômes, ndlr), aux donneurs d'organe (et aux) trois premiers malades en structures collectives de personnes vulnérables" (maisons de retraites, centres pour handicapés), précise le ministère de la Santé.

Depuis le début de l'épidémie, 42.500 tests ont été réalisés en France, selon le ministère. "Il ne servirait à rien aujourd'hui de tester massivement tout le monde", a fait valoir le Premier ministre Edouard Philippe, jeudi 19 mars à l'Assemblée nationale. Selon lui, cela engorgerait le dispositif et empêcherait d'avoir "les réponses suffisamment rapides là où c'est absolument nécessaire". Pays le plus touché en Europe, l'Italie avait réalisé 165.500 tests à la date de mercredi 18 mars. En Espagne, pays décentralisé, on ne peut pas connaître le nombre total de tests effectués. Et en Allemagne, État fédéral, les approches peuvent varier selon les régions.

Ces derniers jours, plusieurs pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, la Turquie ou la République tchèque, ont annoncé vouloir passer à la vitesse supérieure. L'un des moyens pourrait être l'arrivée de tests plus légers et plus rapides, avec un verdict en une demi-heure contre 4 à 5 heures pour les tests actuels, dits RT-PCR (basés sur l'amplification du matériel génétique du virus).


AFP/VNA/CVN

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