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Les bandonéonistes Abril Farolini, Ramiro Hernández et la chanteuse Paola Larrama se produisent dans la salle de dialyse du Centre Diaverum pour patients rénaux, à Montevideo, en Uruguay. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Il est 09h00 du matin et la femme aux yeux doux est allongée dans un fauteuil d’un centre d’hémodialyse de Montevideo, entourée d’une vingtaine d’autres personnes, toutes reliées à des machines qui purifient leur sang. Soudain, les "bips" des appareillages disparaissent sous les soupirs de deux bandonéons, et les visages se transforment au fil des mélodies et pulsations rythmiques.
"C’est plus que de la médecine", dit Olga Diaz, qui passe trois fois par semaine quatre heures interminables connectées à ce "rein artificiel" dans le centre de dialyse. "J’étais tombée dans une routine. Je faisais des choses mais pas avec l’enthousiasme que j’avais toujours eu, confie-t-elle. La musique a ramené la vie dans mon âme, m’a redonné l’appétit de vivre, la joie, l’enthousiasme, toutes ces choses qui s’estompaient".
D’autres patients chroniques conviennent que ces "mini-concerts" ont amélioré leur qualité de vie. Pour Rafael Gutiérrez, 46 ans, "le temps passe plus vite" en musique et être ici "sans bouger" devient "beaucoup plus supportable".
Et les effets bénéfiques de la musique perdurent au-delà des quarante minutes de concert, assurent-ils.
"S’évader"
Selon de multiples études scientifiques, écouter de la musique réduit l’anxiété, le stress et stabilise les paramètres vitaux. Elle agit également sur les zones du cerveau liées au plaisir, en produisant de la dopamine.
Son bénéfice thérapeutique a été "amplement démontré", affirme le néphrologue Gerardo Pérez, rappelant que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande "depuis des années" l’intégration de l’art et de la culture dans les parcours de santé.
Dans la salle de dialyse du Centre Diaverum pour patients rénaux, à Montevideo. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
La musique aide les patients "à s’évader de leur quotidien ancré dans la maladie, l’inquiétude, l’incertitude, la souffrance, sans savoir de quoi demain sera fait", affirme-t-il. Lors des passages contraints à l’hôpital, les malades "passent beaucoup de temps seuls et souvent angoissés".
Cela fait 20 ans que Gerardo Pérez met sa virtuosité au bandonéon au service de ses patients sous dialyse. Son initiative, à l’origine personnelle, s’est structurée l’an passé pour devenir "Hôpital Tango".
D’autres bandonéonistes, chanteurs et guitaristes, se sont joints au projet pour l’étendre à l’ensemble de l’Uruguay qui partage avec l’Argentine la paternité de cette musique emblématique du Rio de la Plata.
Pour l’instant c’est du tango, "la musique que je sais jouer et qui est un patrimoine culturel mondial", mais cela pourrait être de la musique folklorique, tropicale ou même du théâtre, "toute forme d’expression artistique", dit le médecin.
Ce jour-là, au centre de dialyse, les joueurs de bandonéon Abril Farolini, 22 ans, Ramiro Hernandez, 35 ans, et la chanteuse Paola Larrama, 37 ans, ont enfilé des blouses blanches et ajusté masques sanitaires face à leur auditoire du jour. Pour Ramiro Hernandez, sa musique offre "bien plus qu’un soulagement" car elle "génère aussi de la joie et de la bonne humeur".
Paola Larrama juge l’expérience "très prenante" par la "volonté de connexion" des patients. "Ce n’est pas la même chose que d’aller jouer dans un endroit où les gens sont venus pour vous voir, estime-t-elle. Nous faisons une proposition à des gens qui traversent une expérience de vie".
Les grands classiques du tango parmi lesquels La cumparsita, Volver et Libertango s’égrènent, les lèvres murmurent les refrains, puis, au son du candombe, rythme de tambour typiquement afro-uruguayen, les infirmières improvisent quelques pas de danse au milieu des fauteuils et des sourires.
AFP/VNA/CVN