En Thaïlande, des jeunes chefs étoilés mènent la révolution des palais

Jeunes, connectés et ambitieux. À Bangkok, une nouvelle génération de chefs collectionne les récompenses et séduit une clientèle aisée et internationale en révolutionnant la gastronomie thaï.

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Le chef Thitid “Ton” Tassanakajohn prépare un plat dans les cuisines de son restaurant Le Du à Bangkok, en Thaïlande. 
Photo : AFP/VNA/CVN

“C’est l’âge d’or de la haute cuisine thaïlandaise”, s’enthousiasme Pichaya Soontornyanakij, 33 ans, connue sous le nom de “chef Pam”, et récompensée l’an dernier par sa première étoile Michelin.

Sous l’impulsion de cuisiniers formés, comme elle, à l’étranger, Bangkok, paradis de la street food, a initié une montée en gamme, au risque d’abandonner les prix doux qui attirent des millions de touristes chaque année.

“À Bangkok, il y a le meilleur de tout, que vous vouliez un repas à 1 USD ou à 200 USD”, sourit Mark Wiens, un blogueur américain de Bangkok aux 10 millions d’abonnés sur Youtube. Bangkok compte une trentaine de tables étoilées, deux fois plus qu’en 2017, année de la première édition locale du guide Michelin.

Le Du, élu meilleur restaurant d’Asie

Cette année, le titre de meilleure table d’Asie, décerné par le guide britannique 50 Best a été attribué pour la première fois à un restaurant thaï de Bangkok, Le Du.

Cuisine ouverte sur la salle, carte des vins, menu dégustation : certains codes de la haute gastronomie sont repris mais dans l’assiette, crevettes géantes grillées au confit de poitrine de porc et riz bio, mangoustans ou pak choi de saison et plats familiaux revisités célèbrent la richesse culinaire du royaume.

“Nous avons des spécialités régionales très différentes. La cuisine thaï est un mélange harmonieux d’amertume, d’acidité, de salé, de sucré et d’épicé, et c’est cette combinaison qui la rend unique”, explique le chef de Le Du, Thitid Tassanakajohn, alias “chef Ton”.

Le chef étoilé de 38 ans, aux commandes de huit restaurants, est très actif sur Instagram où il possède plusieurs dizaines de milliers d’abonnés. Il est aussi juré de l’émission Top Chef Thaïlande.

Avec cette diversification, il espère donner à d’autres l’envie d’embrasser cette carrière, réputée exigeante. Formé dans des grands restaurants new-yorkais, il y a appris la technique et la discipline de travail.

La cheffe Pichaya “Pam” Soontornyanakij, récompensée par une étoile au Guide Michelin, dans les cuisines de son restaurant Podong, à Bangkok. 
Photo : AFP/VNA/CVN

“Les chefs essayaient de soutenir les producteurs locaux, et c’est ce que je fais aussi ici... même s’ils sont plus chers. Sinon ils vont disparaître”, dit-il en arpentant les allées d’un marché aux produits frais de la capitale, à la recherche d’inspiration.

Elle aussi star de la TV, chef Pam a ouvert son établissement de luxe en 2021, entre deux échoppes de chaussures bon marché, dans une ruelle du quartier chinois. De l’ancienne pharmacie décrépie détenue par sa famille depuis plus d’un siècle, rénovée durant la pandémie, elle n’a conservé que le nom pour son restaurant, Potong.

Une génération sous les projecteurs

Canard maturé aux cinq épices, huître de Surat Thani relevée aux perles de vinaigre, crabe à la confiture de poivre noir... Les mets attendent les clients, limités à 35 par soir, dans chacune des pièces du restaurant, dont la cuisine.

“Il y a dix ans, la plupart des parents ne voulaient pas que leur enfant travaille dans la restauration”, informe-t-elle.

“Les chefs sont désormais en première ligne”, développe-t-elle, à l’inverse des générations précédentes, souvent cantonnées à la discrétion, au royaume du pad thaï et de la salade de papaye verte.

Cette émulation représente un enjeu économique majeur pour la Thaïlande, en quête d’idées pour relancer le tourisme, un secteur à 30 milliards d’euros laissé exsangue par la pandémie.

Le royaume cherche à attirer une clientèle plus aisée à même de compenser les pertes liées à la baisse du nombre de visiteurs étrangers après la pandémie.

Mais à Bangkok, certains grincent des dents à la vue de la facture, jugée très élevée pour un pays loin du développement économique du Japon, ou de Singapour, ses principaux concurrents sur la scène culinaire.

Dîner dans un gastro comme Potong, Le Du (“saison” en Thaï), Baan Tepa ou encore Sorn coûte au minimum autour de 150 euros, soit plus de la moitié du salaire minimum mensuel.

Selon Siriwatoo Ruksakiati, critique gastronomique basée à Bangkok, la Thaïlande est l’un des pays les plus chers pour la gastronomie, mais “certains éléments manquent, comme la qualité du service”.

“Je veux prouver que la gastronomie thaï n’est inférieure à aucune autre”, réagit le chef Ton, dont le restaurant est plein pour les trois prochains mois.

AFP/VNA/CVN

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