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Un migrant dans un squat à Vitry-sur-Seine, près de Paris, le 19 novembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Ces derniers mois, ce sans-papiers guinéen de 28 ans qui vit de petits boulots, a passé des nuits "caché dans des voitures", des cages d'escaliers, sous des ponts, avant de trouver refuge dans des bureaux désaffectés de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), "fatigué d'appeler le 115", le numéro d'urgence dédié aux sans-abri.
Depuis les évacuations musclées il y a un an des campements de migrants près du Stade de France (Seine-Saint-Denis) et place de la République à Paris, les autorités veulent éviter à tout prix la reformation d'un camp agglomérant des milliers de personnes.
Mais si les tentes ont disparu du paysage, les exilés, eux, se sont repliés dans des recoins isolés d'Île-de-France.
Dernier arrivé, dernier servi : dans l'immeuble occupé depuis mai, avec ses bureaux transformés en chambres et ses couloirs en dépôts de gazinières, Véligo et autres canapés, José dort sur une mousse de matelas dans l'entrée.
"Je n'ai pas encore de chambre. La vie est très dure, j'espère ne pas devenir fou", raconte-t-il, en traînant un sac isotherme qui contient ses maigres possessions : une boîte alimentaire en plastique, un change, deux bouteilles d'eau.
"Enfer"
"Je préfère ici que dehors. Il y a quand même un toit, on est protégé du froid", tempère Koné Fousseni, un Ivoirien de 19 ans aux cheveux ras teints en rouge.
Lui a connu le campement de Saint-Denis, avant de se retrouver en errance et de finalement rejoindre ce squat.
"On soutient tout ce qui permet de sortir de l'enfer des campements", abonde Paul Alauzy, responsable des maraudes de Médecins du monde, présent ce vendredi de novembre sur ce lieu symbolique, selon lui, de la "défaillance du premier accueil".
L'ONG Médecins du Monde propose des consultations devant un bâtiment squatté par des migrants le 19 novembre à Vitry-sur-Seine, près de Paris. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Combien de migrants cachés en Île-de-France ? Au moins 500 dans ces squats, expliquent les organisations qui y interviennent, comme celui bâti à l'abri des regards par un groupe d'Afghans dans un parc départemental de Seine-Saint-Denis.
S'y ajoutent quelque 700 personnes éparpillées par grappes sur une douzaine de micro-campements en lisière de Paris.
"Ce qui s'est passé place de la République il y a un an est structurel", dénonce Kerill Theurillat, de l'association Utopia56. "En Île-de-France, on a du mal à installer des familles sous des ponts, parce qu'elles se font systématiquement déloger. Il y a une vraie maltraitance d'État, qui a pour objectif d'invisibiliser les gens, mettre le problème sous le tapis".
Avec le "collectif réquisition", l'association a mené 11 opérations coup de poing depuis le démantèlement du 17 novembre 2020, pour "rendre visibles" ces personnes et obtenir une prise en charge.
Mais un an après, le constat est amer : "la rue reste un passage obligé à l'arrivée en France", estime le responsable.
Tunnel bondé
C'est le cas pour Abdel Wajeed, un Afghan de 25 ans qui vit avec une centaine de compatriotes sous un pont le long du canal de l'Ourcq, en bordure de Paris.
"Il fait très froid. On n'a rien. On mange parfois, quand un restaurant afghan nous donne des restes. Sinon, on attend juste qu'on nous trouve un toit", relate le natif de Nangarhar, planté près d'un amas de vêtements, de poubelles et de bouteilles de yaourt liquide.
Dans la rue subsistent en majorité des personnes en situation irrégulière, depuis que le gouvernement a mis en place le 1er janvier un système de répartition des demandeurs d'asile en régions, observe Didier Leschi, patron de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii).
"Notre intérêt, c'est qu'il n'y ait plus de campements", assume ce haut-responsable, affirmant que 1.600 personnes sont transférées chaque mois vers la province, faute de quoi l'État leur coupe l'allocation pour demandeurs d'asile.
Dans un étroit tunnel qui relie le XIXe arrondissement de Paris au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis), Al Hassan Ba broie du noir. Le jeune Ivoirien s'apprête à passer sa deuxième nuit dans la rue, mais il n'y a plus de place dans les trois rangées de tentes installées. Il devra donc s'isoler, plus loin.
Al Hassan assure avoir 16 ans. Assis sur une chaise de bureau fatiguée, il ressasse : "Si au début, c'est déjà comme ça, on se dit : où ça va s'arrêter ?"
AFP/VNA/CVN