En Argentine, Noelia, maîtresse trisomique, captive les enfants

Yeux ronds et bouches ouvertes, les bambins de la crèche Jermonito sont captivés par les lectures de Noelia Garella, leur maîtresse trisomique, qui grimace pour mimer les animaux des contes.

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Noelia Garella (centre) lit un livre à des enfants de la crèche Jeromito Cordoba,
en Argentine.

Une femme souffrant d’un handicap mental peut-elle être responsable d’un groupe d’enfants? Les autorités de Cordoba (Centre-Nord), deuxième ville d’Argentine, ont répondu «oui» : c’est une première dans le pays et sans doute l’un des seuls cas au monde.

Cette femme de 31 ans, qui a obtenu un diplôme d’institutrice de crèche et maternelle, exerce dans des crèches municipales depuis quatre ans.

Dans l’établissement où elle travaille depuis janvier, les enfants l’appellent «Noé». Quand elle ouvre la bibliothèque, ils se dépêchent de s’asseoir par terre, attentifs à chacun de ses mots. Rapidement, ils imitent les gestes de la jeune femme qui raconte une histoire de requin.

«J’adore ça. J’aime les enfants, depuis toute petite je rêvais de faire ce métier», raconte-t-elle. Et «ce que je préfère dans le métier de maîtresse, c’est la beauté du cœur des enfants, l’amour qu’ils ont», s’enthousiasme-t-elle.

Elle anime l’atelier de contes dans le cadre d’un programme de stimulation précoce à la lecture. Le reste de la journée, elle est en charge d’un groupe de dix enfants, en doublon avec une collègue plus expérimentée.

Pendant trois ans, elle a fait deux heures de trajet par jour pour se rendre à la première crèche où elle a été affectée.

«Cela a été un grand défi. Il y avait des gens avec des responsabilités et des convictions qui pensaient que ce n’était pas possible qu’une personne trisomique travaille comme maîtresse», se souvient Alejandra Senestrari, directrice de cette structure.

Mais «rapidement, nous nous sommes rendus compte que c’était sa vocation et qu’elle donnait beaucoup aux enfants».

Les parents ont confiance en Noelia. «On nous a dit qu’il y allait avoir une maîtresse trisomique et qu’il ne fallait pas avoir peur», se souvient Ariel Artino. «Moi ça m’a paru une excellente idée de donner cette opportunité» à une personne handicapée, «qu’elle puisse échanger avec les enfants».

Souvent, les trisomiques sont cantonnés à une vie d’exclusion, à des emplois protégés, à des tâches manuelles.

«Monstre joyeux»

Noelia Garella (droite), une enseignante de maternelle née avec le syndrome de Down, joue avec des enfants à l’école maternelle Jeromito à Cordoba, en Argentine.

Très entourée, et stimulée, Noelia Garella a grandi dans une famille aux revenus confortables. Sa mère, aujourd’hui retraitée de la fonction publique, la dépose au travail chaque matin. Enfant, une responsable de crèche avait dit à ses parents, devant elle : «Ici, pas de monstres, pas de trisomiques».

«Pour moi, cette personne, c’est la sorcière des contes que je lis aux enfants. Un monstre triste, qui comprend la vie de travers. Alors que moi, plaisante Noelia, je suis un monstre joyeux».

En dehors du travail, Noelia aime aller à la piscine et danser, «surtout la bachata et le reggaeton». «Noé, c’est celle qui sort le plus, elle a toujours un plan avec ses amis», raconte sa sœur.

Sûre d’elle malgré le handicap, optimiste et responsable, elle a conquis ses collègues de travail. Sa trisomie «n’a jamais été un handicap», fait remarquer Mme Senestrari. Pour Susana Zerdan, la directrice de la crèche Jermonito, l’expérience est concluante. «Les enfants ont facilité son intégration, ça s’est fait naturellement. Pour nous, c’est une belle leçon de vie».


AFP/VNA/CVN

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