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Emma Morano, la dernière survivante du XIXe siècle à Verbania, dans le Nord de l'Italie, le 14 mai. |
La doyenne de l'humanité ne voit presque plus, entend très mal, ne se lève plus depuis un an et n'est pas sortie de chez elle depuis plus de 20 ans. Mais elle reste très alerte, avec un caractère bien trempé et un solide sens de l'humour.
"Ce qui m'impressionne le plus, c'est sa mémoire. Elle n'oublie rien", a déclaré par téléphone Yamile Vergara, une infirmière colombienne de 43 ans qui vit avec elle depuis un peu plus d'un an.
"Elle était très lucide, très présente", et ravie d'avoir reçu un télégramme de félicitations du président italien Sergio Mattarella, a renchéri son médecin, Carlo Bava, par téléphone.
Née le 29 novembre 1899, Emma Morano a vu défiler onze papes, trois rois d'Italie et douze présidents de la République, même si elle est encore loin du record de 122 ans de la Française, Jeanne Calment.
"La femme qui a vu trois siècles", selon la biographie romancée écrite par le Napolitain Renè Papas et présentée le 29 novembre à Verbania, a perdu son premier amour pendant la Première guerre mondiale, s'est séparée d'un mari violent juste avant la Seconde et a travaillé jusqu'à l'âge de 75 ans dans une fabrique de sacs en toile de jute.
Surtout, elle a suivi un singulier régime pendant plus d'un siècle, sur les conseils d'un médecin ayant détecté une anémie quand elle avait 20 ans : trois œufs par jour, deux crus et un cuit, et très peu de fruits ou de légumes. Elle raffole désormais de biscuits, mais pas vraiment des gâteaux d'anniversaire. "La dernière fois, j'en ai mangé un peu mais après je ne me suis pas sentie bien", avait-elle expliqué fin octobre.
Génétique et bonne humeur
Le 29 novembre, elle a reçu la visite de quelques proches ainsi que de journalistes et de la maire de Verbania, Silvia Marchionini.
Emma Morano chez elle à Verbania, dans le Nord de l'Italie, le 14 mai. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Elle a reçu des fleurs. Elle s'était bien habillée et elle était très fière. Elle a posé pour un photographe en demandant : +Ca va ma coiffure ?+. Donc je pense qu'on peut dire qu'elle est en forme", a raconté le docteur Bava. Selon lui, le secret de la longévité de sa patiente est "génétique", dans la mesure où beaucoup de membres de sa famille ont vécu très vieux. Son régime aurait dû lui détruire le foie et les poussières de l'usine de toile de jute lui ravager les poumons. "Mais avec Emma, je pense qu'elle aurait pu manger du gravier et pourtant vivre très longtemps", a estimé le médecin.
Pour Mme Vergara, "sa thérapie c'est la bonne humeur. Je la fais rire et elle me fait rire. Rire c'est le meilleur remède. Elle est très drôle ! Quand je l'appelle +ma petite fille+, parfois elle me dit +mais quelle petite fille, je suis vieille comme Mathusalem+".
Très indépendante, elle est restée autonome jusqu'à 115 ans et n'a jamais accepté de mettre les pieds dans un hôpital, ne serait-ce que pour une petite opération de la cataracte.
Emma Morano elle-même attribue sa longévité à sa décision de quitter son mari violent, juste après la mort de leur unique fils à l'âge de quelques mois. C'était en 1938, plus de 30 ans avant la légalisation du divorce en Italie. Et si elle se sent très fatiguée, parce qu'elle confond la nuit et le jour et dort très mal, elle a tenu à ce que son infirmière célèbre la journée à la Colombienne, avec musiques et danses. "Danse, amuse-toi, bois du vin !", lui a-t-elle lancé.