Élégance à fleur de peau

C’est une des images de marque du Vietnam. Il attire l’œil par son élégance, charme le cœur par sa séduction, et envoûte l’esprit par son mystère. Hommage à la beauté !

>>Des "áo dài" présentés à la New York Couture Fashion Week 2019

Quand la tradition nous fait du charme.
Photo : CTV/CVN

Pour le voyageur qui vient au Vietnam par la compagnie aérienne nationale Vietnam Airlines, la première rencontre a lieu au milieu des nuages. Installé dans son siège, regardant s’abaisser le sol à travers le hublot d’un avion qui doit nous emporter dans le ciel pendant une douzaine d’heures, nous voyons une sympathique hôtesse venir nous proposer un verre de jus de fruits. Sous le sourire de circonstance, au lieu du sempiternel uniforme, une tunique couleur azur sur un pantalon blanc. L’impression qu’une fleur exotique qui s’incline devant soi. Touché par cette grâce, comment savoir que, derrière son apparente simplicité, l’áo dài (tenue traditionnelle des Vietnamiennes), puisque c’est de lui qu’il s’agit, est un des vêtements les plus compliqués qu’il fut.

Lui pour elle

Vous remarquerez d’ailleurs que depuis le début de cet article, j’ai choisi arbitrairement le genre masculin pour un vêtement de genre féminin. En effet, doit-on dire un áo dài ou une áo dài ? Car littéralement la traduction est "robe longue", à laquelle d’aucun préfère "tunique". Mais dans les deux cas, la grammaire voudrait que nous lui adjoignons l’article une. Or, force est de remarquer que l’usage lui impose le masculin. Il faut peut-être y voir là une mâle et perfide revanche envers la beauté inégalable de cette tenue. On peut aussi supposer que l’áo dài est un couple, constitué d’une tunique et d’un pantalon. Or, souvenez-vous de vos leçons d’école : "Un verre et une tasse sont posés sur une table. C’est le masculin qui l’emporte !".

Donc le pantalon, même s’il est sous la tunique, prend le dessus pour définir le genre de l’áo dài...

Heureusement, c’est par la tunique que s’exprime toute la beauté de cette toilette. Encore que, pour que l’effet soit réussi, faut-il que la tenue soit seyante !

Et pour cela, il faut passer l’épreuve du petit triangle… Autant que la décence le permet, je vous invite à me suivre au plus près de la taille, là où la fente de la tunique remonte, 2 ou 3 cm plus haut que le pantalon, laissant ainsi un petit triangle de peau découvert de chaque côté du bassin. S’il est équilatéral, mesdames, vous le portez bien ! Mais s’il est isocèle, plus rien ne va. Soit vous êtes trop mince, soit vous êtes trop "enveloppée".

En effet, l’áo dài est un vêtement exigeant qui ne supporte pas de transgression à la morphologie gracile de la femme vietnamienne. On pourrait presque dire que la longue chevelure de jais, l’áo dài et le nón (chapeau pointu) forment une symbiose qui donne cette vision de rêve que nombre de peintres, dessinateurs et photographes ont tenté de prendre au vol. Certes, les tailleurs sur mesure, qui proposent leurs services aux touristes aspirant à faire couleur locale, peuvent tenter l’impossible, mais il faut avouer que le miracle est rare. L’áo dài est chauvin, qu’on se le dise !

Tant de charme

De toute façon, n’ayons pas de regret ! Porter un áo dài n’est pas de tout repos. Notamment quand il s’agit de faire du vélo ou de monter sur une moto. Rester élégante en remontant les pans de sa tunique n’est pas donné à tout le monde. Il faut savoir plier les deux pans exactement en leur milieu, les bien positionner sous soi, pour qu’ils recouvrent la selle, sans pendre sur les côtés pour éviter qu’ils ne se prennent dans les rayons, ce qui porterait atteinte à l’intégrité de l’áo dài et de sa propriétaire. Savoir le porter, c’est aussi adopter le maintien qui va avec.

En effet, l’áo dài ne peut se contenter de revêtir une personne aux épaules avachies et au dos voûté. Quand on le porte, on est princesse, buste droit, menton levé, regard portant loin. La fluidité du mouvement doit être en harmonie avec la souplesse du vêtement. Porter un áo dài, c’est se déplacer sur un fil, dans une sorte de danse aérienne qui donne le sentiment de glisser plus que de marcher. Porter un áo dài, c’est devenir femme-papillon accompagnée du bruissement de la soie sur la soie. Bref, porter un áo dài, ça se mérite !

Sans doute ceux qui lisent ces lignes et ne sont jamais venus au Vietnam s’imaginent-ils qu’un tel vêtement n’apparaît que dans de grandes circonstances. Il est vrai que si mariages, célébrations et autres fastes sociaux lui laissent la part belle, en lui permettant d’être décoré de magnifiques broderies scintillantes, on peut le croiser en de multiples autres circonstances.

Ainsi, aux couleurs de l’entreprise ou de l’hôtel, dans les halls de réception, d’un blanc de neige à la sortie de certains collèges et universités, fleuri de roses et d’orchidées sous la toge des lauréats aux examens, rouge et or pour les mariées...

En fait, il n’est pas un jour où l’on ne croise son chemin. Pas un jour où il ne rappelle que la beauté discrète est le plus sûr chemin vers l’élégance la plus raffinée. Pas un jour où il ne fait un clin d’œil en en soulignant des courbes séduisantes. Pas un jour où il ne donne l’occasion de côtoyer des fleurs, à l’image de celle qui se penchait vers soi, tout là-haut, au milieu des nuages.

Porter l’áo dài est un art en soi, mais l’admirer est un plaisir dont on ne se lasse pas !

Gérard Bonnafont/CVN

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