Dorures, sang et boue, le quotidien d’un atelier de costumes à Vienne

Dans des pièces lumineuses près de l’Opéra de Vienne, de petites mains armées de fil et d’aiguilles transforment comme par magie du feutre noir en armure dorée et créent des taches de sang sur des chemises immaculées.

Chaque saison, l’atelier de costumes Art for Art produit des centaines de pièces pour les plus prestigieuses compagnies d’opéra, de ballet et de théâtre de la capitale autrichienne.

Des chaussures aux chapeaux, l’atelier, dont la renommée s’est propagée à l’étranger, crée chaque pièce en intégralité.

La collection de l’atelier compte pas moins de 250.000 pièces, parmi lesquelles des tutus vaporeux, des coiffes vertigineuses, des chaussures d’époque, des bijoux chatoyants ou encore des robes baroques dignes de la cour d’un roi.

«Les gens disent toujours : +Et alors, vous n’avez qu’à les coudre!+ Mais avant d’en arriver à la couture, il y a beaucoup de travail», a expliqué la directrice d’Art for Art, Annette Beaufaÿs. En faisant appel à des savoir-faire en voie de disparition, comme la confection de robes, de chaussures ou de chapeaux, l’atelier s’enorgueillit de son souci du détail et de la beauté de ses créations.

La collection de l’atelier compte pas moins de 250.000 pièces, parmi lesquelles des tutus vaporeux, des coiffes vertigineuses, des chaussures d’époque, des bijoux chatoyants ou encore des robes baroques dignes de la cour d’un roi.

Créer des costumes pour la scène n’est pas une tâche aisée. Avec les fréquents changements de distribution, chaque costume doit avoir des coutures adaptables pour pouvoir être utilisé par plusieurs personnes. Et surtout, chanteurs et danseurs doivent pouvoir se mouvoir librement dans leurs costumes, qu’ils soient en train d’exécuter une aria ou une pirouette.

«Le ballet, bien sûr, est un sport de haute performance. De même que le chant. Ils sont comme des joueurs de tennis professionnels une fois qu’ils sont lancés», raconte Annette Beaufaÿs.

Même une pièce aussi anodine qu’un collier de perles est spécialement travaillée : un modèle acheté dans le commerce pourrait craquer dans un faux mouvement et les perles s’éparpiller sur la scène.

Si les idées viennent des créateurs de costumes, c’est à l’atelier de leur donner corps : «Le styliste fait des dessins mais ne sait pas forcément comment le réaliser. Alors nous lisons les dessins et essayons de comprendre ce dont il s’agit».

«Nous aidons à raconter l’histoire»

Avec des rubans et des tissus commandés dans le monde entier et parfois produits spécialement, les costumes reviennent cher, coûtant jusqu’à un million d’euros pour une seule production.

Chaque costume doit avoir des coutures adaptables pour pouvoir être utilisé par plusieurs personnes.

Pour le ballet Don Quichotte en 2011, l’atelier a passé quatre mois et demi pour simplement sélectionner les tissus avant de s’atteler à les découper, les coudre et y ajouter les perles.

Et le travail représente bien plus que l’assemblage de pièces de soie, de tulle ou de caoutchouc : «Nous aidons à raconter l’histoire dans un opéra», estime Heike Schulte, dont l’équipe s’occupe notamment de la couleur des costumes.

Dans son atelier aux murs et sols tachés de peinture s’empilent tissus et chaussures, dans l’attente d’être usés et salis avec de la boue pour avoir l’air plus réalistes.

«Si quelqu’un se fait tirer dessus, dans une bagarre par exemple, et arrive dans la scène suivante couvert de sang, c’est nous», explique Heike Schulte. «Nous teignons les rubans pour les couturières, nous peignons les chapeaux, nous transformons des chaussures noires en chaussures vertes et vice-versa», poursuit-elle.

Ils transforment également un simple feutre noir en rutilante armure dorée, à la fois bien plus légère et moins bruyante qu’une armure de métal, une astuce qui échappe aux non-initiés mais indispensable au théâtre.

Chaque année, Art for Art travaille sur environ 50 productions et la demande est telle que l’atelier a dû refuser des commandes. Parmi ses clients figurent l’Opéra de Madrid et le Théâtre des Champs-Élysées. En 2009, il a collaboré avec le couturier italien Valentino pour le concert du Nouvel An de l’Orchestre philharmonique de Vienne.

Art for Art a aussi créé des costumes pour la cérémonie d’ouverture de la Coupe du Monde de football en Allemagne en 2006 ainsi que pour le film de Michael Haneke La Pianiste, Grand Prix du jury à Cannes en 2001.

«Notre devise est : +tout est possible+. Donc nous ferons tout, nous irons partout. Si on nous demandait de créer des costumes au Tibet, nous irions!», dit Annette Beaufaÿs.

L’essentiel est de créer un produit de haute qualité dont pourra profiter le public : «Si des gens dépensent beaucoup d’argent pour un billet d’opéra, ils ont le droit de voir une belle production sur scène», pense Annette Beaufaÿs.

AFP/VNA/CVN

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