Les Ateliers Allot spécialisés dans les meubles d’art anciens investissent la capitale pour se donner une plus grande visibilité. |
Comme dans un puzzle, la jeune femme dispose délicatement, pour une marqueterie, de fines lamelles de bois précieux aux formes et aux couleurs variées selon le dessin posé près d’elle : comme il y a deux siècles, les meubles d’époque qui sortent des ateliers Allot, à Loudéac (Ouest de la France), sont fabriqués à la main.
Guéridons, chiffonniers, commodes, bureaux, armoires, sièges, bibliothèques, bergères ou canapés, de l’époque Louis XIV jusqu’à la période Empire, tout y est réalisé, le plus souvent à l’unité et à la commande, par les 24 salariés de cette entreprise familiale bretonne fondée en 1812.
La société exporte de plus en plus : 60% de son chiffre d’affaires est fait à l’exportation, contre 30% il y a cinq ans. Ses clients sont en Russie, au Moyen-Orient, en Afrique.
«Des meubles régionaux pour des armateurs de la côte bretonne qui ramenaient l’inspiration de leurs voyages autour du monde, nous sommes passés aux meubles de style sous l’impulsion de mon père qui travaillait beaucoup avec les grands antiquaires parisiens», explique René Allot, septième génération, en voie de passer le flambeau à son fils Ronan.
Dans ces vastes et lumineux locaux en bois, l’ensemble de la chaîne des métiers d’art de l’ameublement est représenté et tout est «fait maison» : de la sélection des bois - 45 espèces - à leur séchage à la feuille d’or et la finition.
Des employés des ateliers Allot à Loudéac, en Bretagne. |
Même les croquis initiaux sont réalisés à main levée et la plupart des étapes, de la conception à la fabrication, sont effectuées manuellement à l’ancienne, ce qui vaut aux ateliers d’être, depuis 2005, reconnus comme Entreprise du patrimoine vivant (EPV).
«La commande numérique est très peu utilisée car on fabrique de toutes petites séries, quand ce n’est pas à l’unité», considère Ronan Allot.
Outre le savoir-faire, la mémoire des ateliers repose sur les milliers de gabarits, ces échantillons des multiples formes utilisées par les artisans, patiemment reconstitués après la perte de 18.000 d’entre eux dans un incendie en 1998.
Colle de peau de lapin
«Ici, nous formons beaucoup à la polyvalence des métiers», qu’il s’agisse d’ébéniste, sculpteur, marqueteur, doreur, laqueur, vernisseur ou tapissier, insiste Ronan Allot.
Table de séjour de style Louis XIV reproduite d'après une esquisse d'époque réalisé par les Ateliers Allot. |
Car apprendre à sculpter le bois pour dessiner les fins pétales d’une guirlande de roses destinées à la décoration d’une console demande des années, témoigne l’un des sculpteurs, Alain Pirot, plus de vingt ans de maison, en plein travail sur son établi. «En cinq ou six ans, on n’apprend que les bases du métier», assure-t-il, lui qui, ébéniste de formation, travaille parfois «pendant deux mois sur la même pièce».
À l’atelier laque et dorure, Thierry Le Mentec est en train d’achever la dorure d’un cadre de canapé.
Pour ce faire, il «utilise de la colle de peau de lapin chauffée au bain-marie, alternée avec du blanc d’Espagne, le tout appliqué sur le bois. On pose ensuite l’argile rouge avant de faire adhérer la feuille d’or», détaille-t-il. «Après, on passe la pierre d’Agathe. Plus on va appuyer, plus l’or va briller. Quand on se voit dedans, c’est que la finition est bien faite», dit-il, ajoutant : «J’aimerais bien voir chez le client ce que donne le produit fini...»
À une époque, les ateliers, qui ont ouvert en janvier dernier une vitrine à Paris, ont bien failli, comme d’autres, se tourner vers le meuble industriel. «Mais les banques n’ont pas suivi et ça a été une chance», relève dans un sourire René Allot.
L’international est désormais le nouveau terrain de jeu de l’entreprise, dont le chiffre d’affaires s’est élevé à 1,6 million d’euros en 2013. Elle cherche à se développer aux États-Unis et en Chine.
AFP/VNA/CVN