Des malades écrivent leur vie pendant qu’il en est encore temps

À 60 ans, hospitalisée, Marie sait qu’elle va bientôt succomber à son cancer depuis que ses médecins lui ont «tout balancé». Alors pendant le temps qui lui reste, elle a entrepris de raconter l’histoire de sa vie à une biographe, malgré le tuyau qui lui entrave les narines.

Marie (gauche) et sa biographe Valéria Milewski dans l’unité de soins palliatifs de l’hôpital Louis Pasteur de Chartres.

«Je veux laisser un petit mot à mes trois petits bouts, parce que mon Tom, il a tellement peur que je parte au ciel sans lui dire au revoir... Je lui ai dit +Tom, mamie elle aura peut-être pas le temps de te dire au revoir quand je vais aller au ciel, mais je te ferai un petit mot, je te parlerai+», raconte Marie, depuis l’unité de soins palliatifs de l’hôpital Louis Pasteur de Chartres (Ouest de la France).

Au bout du lit, une photo de ses trois petits-enfants, avec un mot: «on t’aime Mamie». À raison d’une séance d’une vingtaine de minutes tous les deux ou trois jours dans ce bâtiment récent et lumineux, Marie, se confie d’une voix essoufflée mais en ponctuant encore ses phrases de rires et de gros mots. Son enfance dans le Nord, son travail d’ouvrière à l’usine de Radiotechnique, ses trois enfants, ses vacances, ses bêtises aussi. C’est toute une vie qui défile pour une confession parfois teintée de nostalgie. «Je vais être grossière peut-être. On dit que la vie, c’est un grand plateau de merde. On en bouffe un peu tous les jours. Mais quand la vie elle part... c’est là qu’on s’aperçoit qu’elle est belle la vie», raconte la grande malade à sa biographe, une belle brune de 45 ans à la gaîté communicative.

Cela fait cinq ans que Valéria Milewski a troqué sa casquette d’écrivaine de théâtre pour se lancer dans ce projet qu’elle qualifie volontiers d’«éthique» au chevet des malades.

«C’est une écoute qui leur permet de se retricoter de l’intérieur», observe Valéria de sa voix douce. «Ça leur donne de l’unité, du sens, de la cohérence à leur vie et du coup on voit bien qu’ils se redressent, il se remettent droit dans leur lit et probablement dans leur dignité».

«Chaque minute en vaut mille»

La biographe, salariée de l’hôpital, accorde généralement entre une ou deux séances aux malades dans ce centre qui compte huit lits. Mais s’il le faut, elle ne compte pas : un patient en est ainsi à sa 44e séance et Valéria n’est jamais indifférente aux histoires qu’elle retranscrit à la main sur un grand cahier.

Marie (droite) et ses proches.

«Ça me rappelle ce monsieur qui a énormément parlé, uniquement, de son travail. Son épouse attendait tellement de mots d’amour qu’évidemment, lorsqu’elle l’a lu, elle n’a pas eu ce qu’elle attendait, mais elle a vu aussi que c’était 100% son mari».

«Et puis ce jeune qui, à 30 ans, va mourir, qui a deux jeunes enfants et qui n’avait jamais réussi à dire des mots d’amour. À la fin de son livre, c’est +je t’aime, je vous aime tous+», raconte-t-elle.

La biographe rappelle que pour les patients «le temps est compté» et que «chaque minute en vaut mille. Ils vont droit au but», témoigne-t-elle.

Les médecins de l’hôpital suivent l’expérience avec beaucoup d’attention. Pour eux, la biographie a clairement des vertus.

«Ça donne de l’espérance. À partir du moment où quelqu’un a de l’espérance, clairement il sait mieux pourquoi il vit. Et en sachant mieux pourquoi on vit, des fois on a envie que ça dure un petit peu plus longtemps», observe le Dr Frédéric Duriez, médecin au service d’oncologie.

Après une quarantaine d’histoires écrites et éditées, Valéria Milewski a entrepris de former d’autres biographes. Résultat : à Toulouse (Sud) et à Pontoise, en région parisienne, des hôpitaux viennent de se lancer eux aussi dans l’expérience.

AFP/VNA/CVN

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