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Photo diffusée par le Sirpa, le 15 janvier, d'une fabrique de cigarettes de contrefaçon à Saint-Aubin-les-Elbeuf, près de Rouen. Photo : AFP/VNA/CVN |
Plus de 100 tonnes de produits (55 tonnes de cigarettes, 50 tonnes d'étiquettes, filtres, papiers, emballages... et 18 tonnes de résidus de tabac et de déchets de cigarettes) ont été saisies. Le prix de revente de tabac contrefait est évalué à 13,7 millions d'euros, selon la gendarmerie nationale.
Ce qui en fait la plus importante fabrique clandestine découverte à ce jour en France. La première l'avait été en décembre 2021 par les douanes à Poincy, une petite commune de Seine-et-Marne de 750 habitants. Depuis cette "première", deux autres ateliers clandestins ont été mis au jour : un site de conditionnement à La Longueville (Nord) et un lieu de stockage à Poincy, encore.
Le trafic est en plein essor : plus de 284 tonnes de tabac de contrebande ont été saisies en 2020 en France, 402 tonnes en 2021 et plus de 600 tonnes, dont plus de deux tiers de cigarettes, sur les dix premiers mois de 2022.
Le 12 janvier, les gendarmes, alertés par Europol fin 2022 sur la présence d'un trafic international de cigarettes dans la zone industrielle de Saint-Aubin-les-Elbeuf, près de Rouen, découvrent une véritable usine intégrée.
Parfaite autonomie
La fabrique comprend trois unités. Une unité de production avec deux chaînes, une de confection des cigarettes à partir de tabac brut et une autre dédiée au conditionnement en paquets puis en cartouches au nom d'un fabriquant célèbre. Il y a aussi une zone de stockage où les cartouches de cigarettes sont conditionnées en cartons sur des palettes recouvertes de film, le tout prêt à être livré.
Enfin, une zone de vie complète l'ensemble, avec un dortoir équipé d'une quinzaine de couchages, un coin cuisine, un coin repas et un espace détente, qui permettait aux malfaiteurs de vivre sur place en toute autonomie. Il y avait en outre un groupe électrogène.
L'ensemble des produits saisis a été détruit immédiatement, de même que les machines de production, a précisé la gendarmerie. Les gendarmes ont également saisi deux ensembles routiers (tracteurs et semi-remorques de 38 tonnes), des élévateurs, des transpalettes, de l'outillage, des appareils électroménagers et une tonne de denrées alimentaires qui a été donnée à la banque alimentaire.
Neuf personnes, âgées de 21 à 55 ans, toutes de nationalité étrangère, ont été interpellées et placées en garde à vue. La majorité d'entre elles sont de nationalité moldave.
Toutes ont été mises en examen dimanche à Paris notamment pour détention en bande organisée de marchandises contrefaites, importation en contrebande et en bande organisée de produits de tabac manufacturé et de marchandise présentée sous une marque contrefaite, selon une source judiciaire. Quatre ont été placés en détention provisoire, les cinq autres sous contrôle judiciaire.
Profits énormes
Au regard de l'ampleur de ce dossier, le parquet de Rouen s'est dessaisi au profit de la Junalco (juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée) de Paris, qui a sollicité notamment l'Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) et le service d'enquêtes judiciaires des Finances (SEJF).
Les profits énormes générés suscitent l'appétit d'organisations criminelles souvent spécialisées dans les stupéfiants, qui cherchent à se diversifier. "Le coût de fabrication est d'un euro par paquet, le reste c'est de la marge", rappelait début décembre Christophe Perruaux, directeur du SEJF, en charge des deux affaires de Poincy et maintenant de celle de Rouen.
Les organisations criminelles d'Europe de l'Est, des pays baltes aux Balkans, ont la mainmise sur le trafic de tabac. Auparavant établies en Ukraine puis en Pologne, les usines ont commencé, après l'offensive russe en Ukraine, à prendre racine plus près des frontières françaises, en Belgique notamment.
Elles s'installent désormais en France, où le marché noir représente environ 30% du tabac en circulation, avec la volonté de rapprocher production et consommation pour optimiser les coûts de transport.
"Une usine clandestine fonctionne pendant maximum trois mois", expliquait début décembre le patron du renseignement douanier, Florian Colas. De ses lignes de production sortent en moyenne 700 paquets à la minute, 4.200 cartouches de l'heure.
"Chaque machine coûtant entre 50.000 et 200.000 euros, elles sont rentabilisées en quelques jours et les taux de marge sont stupéfiants", ajoutait-il. À raison de 8 heures par jour, ces usines rapportent, selon les renseignements douaniers, de 80.000 à 120.000 euros la journée, soit 7 millions d'euros pour trois mois.
AFP/VNA/CVN