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Au Vietnam, l’enfant est synonyme de bonheur. Une des premières questions que l’on vous pose est de savoir combien vous en avez. |
Photo : Hoàng Giang/CVN |
Mais avant de le réveiller, posons d’abord un regard attendri sur celles, sans lesquelles il n’y aurait pas de bambins pour égayer nos rues : les mamans ! Souvent, mes amis visiteurs s’étonnent devant la profusion de ventres ronds, porteurs d’une vie qui ne demande qu’à éclore. Il faut les voir ces mamans, travaillant jusqu’à l’extrême limite, souriantes et fières de leur grossesse épanouie. Il faut dire qu’ici, l’enfant est synonyme de bonheur. Pas surprenant qu’une des premières questions de politesse que l’on vous pose, après votre âge et votre situation matrimoniale, est celle concernant le nombre d’enfants que vous avez. Un garçon et une fille, et vous êtes «number one» !
Ça bouge
Et si, quand l’enfant paraît, le cercle de famille s’agrandit, le périmètre de pérégrination maternelle également. Je n’évoque pas seulement les déambulations destinées à faire découvrir un monde nouveau à un bébé blottit contre le sein maternel ou transporté en nacelles de lin coloré. Je veux parler de cette épreuve redoutable qui consiste à nourrir un bambin, plus occupé à tester ses capacités de bipèdes que soucieux de se remplir l’estomac.
Voir un enfant courir devant sa nourriture est un spectacle qui m’amuse toujours autant. Il suffit que je m’installe sur les marches de mon perron, à l’heure des repas, pour assister à une sorte de course-relais entre mère et enfant. La première, munie d’un bol de bouillie et d’une cuillère, concentre tous ses efforts à suivre les déplacements erratiques et oscillants du second.
Régulièrement, l’adulte rattrape l’enfant et en profite pour enfourner au passage une cuillerée pleine à ras bord. Bouche pleine, l’enfant poursuit son exploration d’un monde empli de trésors merveilleux, jusqu’à ce que son parcours croise de nouveau la cuillère nourricière. L’exercice peut prendre un temps à causer la ruine de tous les débits de restauration rapide de la planète, sans que la patience maternelle ne présente une seule marque d’irritation. Mais l’enfant ne se déplace pas seulement en mangeant, il partage avec l’adulte un autre moyen de locomotion : la motocyclette. Et à ce sujet, il dispose de plusieurs solutions...
En deux-roues : une vraie vie d'enfant ! |
Photo : Gérard Bonnafont/CVN |
La première consiste à occuper les premières loges, juste derrière le guidon. Pour cela, les Vietnamiens ont inventé un siège destiné à être coincé entre la selle et la fourche. Niché devant l’adulte, l’enfant n’est pas peu fière d’être figure de proue du véhicule familial. Souvent, bouche et nez protégé par un masque de tissu, il ne laisse voir que ses yeux écarquillés de curiosité.
Combien en ai-je croisé de ces regards d’enfants posés sur moi, lors d’arrêts à un feu de signalisation. Tantôt hypnotisés par ce «Tây» (Occidental) barbu qui leur sourit, tantôt inquiets de la proximité de ce même «Tây», au nez un peu trop long à leur goût. Parfois, les yeux se font malicieux, et je devine derrière le masque un sourire de connivence de ceux que se font entre eux les motards qui se croisent sur les routes de l’aventure.
Ça circule
Mais l’enfant n’est pas toujours passager avant. Il peut aussi partager la selle derrière l’adulte. Dans ce cas, lorsque l’assise et les bras enfantins ne sont pas suffisants pour garantir une sécurité à toute épreuve, les Vietnamiens disposent d’une autre invention : la ceinture abdominale.
Je ne parle pas ici de l’ensemble des muscles qui permettent d’obtenir une silhouette de rêve, mais tout simplement de ce large morceau de tissu qui enveloppe l’enfant au niveau des reins et qui s’attache devant soi. L’enfant est ainsi plaqué contre le dos de l’adulte, maintenu à l’arrière par un renfort rigide, et fait corps avec le pilote de la moto. Ingénieux sans aucun doute, à condition, en descendant de moto, de ne pas oublier de détacher l’enfant !
Il n’est pas rare non plus de voir des tout-petits, cachés sous un voile de tulle, voyager entre les deux parents, dos à dos avec le pilote de la moto, souvent le père, et nez à seins maternels.
Mais l’enfant, ce sont aussi ces chevelures noires flottant au vent au-dessus de sacs à dos roses, lourdement chargés de cahiers et de livres, qui parcourent matin et soir le chemin entre domicile et l’école, en cohortes joyeuses. Quand je vais chercher ma fille à la maternelle, je suis toujours surpris par cette foule d’enfants qui jaillissent des classes, sourire aux lèvres, en une exubérance à la fois pétillante et retenue.
Ici, comme les parents ne sont pas tenus à l’extérieur, j’entre dans les bâtiments pour aller chercher ma fille jusque dans sa classe. Impossible de passer inaperçu, seul Occidental au milieu de plusieurs centaines de parents vietnamiens. Tous les enfants que je croise me saluent d’un «Hello» retentissant, malgré mes efforts récurrents pour leur expliquer que je suis français et que dans la langue de Molière on dit «Bonjour» ! Qu’importe, c’est l’intention qui compte !
À peine mon nez pointé à la porte de la classe, l’alerte est donnée : ma fille peut bien être occupée à des tâches plus intéressantes que de veiller à l’arrivée de son papa, ses condisciples se chargent de la prévenir que «Ông Tây» est là. Et, accompagné d’une petite fille fière de tenir son «Tây» de papa par la main, je sors de l’école escortée par une vingtaine d’enfants babillant comme poules en basse-cour. Souvent un ou deux d’entre eux s’invitent sur la selle de ma moto, et je me transforme en facteur, délivrant les uns et les autres aux domiciles parentaux, au gré du parcours.
Finalement, je constate que dans cette tranche de vie, j’ai beaucoup parlé de l’enfant à moto : chose tellement fréquente ici. Pas étonnant que les adultes à moto soient de vrais enfants !