De l’enseignement bilingue pour les ethnies minoritaires

Deux ans après l’expérimentation du programme d’enseignement bilingue (vietnamien et langue vernaculaire), force est de constater que la qualité de l’enseignement dans les zones peuplées d’ethnies minoritaires s’est nettement améliorée.

Des élèves de l'école-internat du district de


Selon le chef du Département de l’enseignement primaire (ministère de l’Éducation et de
la Formation), Lê Tiên Thành, la qualité de l’enseignement dans ces régions reste hétérogène. Les élèves d’ethnies minoritaires de la classe préparatoire rencontrent des difficultés en raison de leur faible niveau de vietnamien.

La langue est un obstacle qui nuit, à bien des égards, à la qualité de l’enseignement. Partant de ce constat, le ministère de l’Éducation et de la Formation a, pour l’année scolaire 2008-2009, organisé des séminaires sur l’enseignement du vietnamien aux élèves issus des minorités ethniques. Cinq mesures ont été déterminées : rendre l’école obligatoire à partir de cinq ans ; renforcer l’enseignement du vietnamien, langue véhiculaire, aux élèves des écoles maternelles ; rédiger et publier des manuels de vietnamien ; augmenter les heures de cours de vietnamien pour les élèves de la classe préparatoire et expérimenter le programme d’enseignement bilingue (vietnamien - langue maternelle) dans les provinces de Lào Cai (Nord), de Gia Lai (hauts plateaux du Centre) et de Trà Vinh (delta du Mékong).

Selon un rapport du Centre de recherche sur l’éducation et la formation (Institut des sciences et de l’éducation du Vietnam), les deux ans d’expérimentation du programme d’enseignement bilingue ont permis d’arriver à un résultat encourageant : le niveau des élèves s’est amélioré. Leur capacité à communiquer en utilisant leur langue maternelle est bien meilleure qu’auparavant. Ils peuvent utiliser le vietnamien pour décrire un tableau. Ils ont plus de confiance en eux et ont appris à aimer l’école. En effet, on ne constate aucune défection dans ces classes bilingues.

De plus, ils font preuve de créativité lorsqu’il s’agit de répondre à des questions en vietnamien, et lire des bandes dessinées ne leur pose aucun problème particulier. Selon Châu A Tàu, un enseignant de l’école primaire de Lao Chai, district de Sa Pa, province de Lào Cai (Nord), l’enseignement bilingue a aidé les élèves de l’ethnie H’mông à mieux apprendre les leçons.

«Une fois la leçon apprise et comprise, les élèves gagnent en confiance et reviennent à l’école sans rechigner. C’est émouvant de voir leurs parents à l’unisson derrière eux, heureux de voir les progrès accomplis, que ce soit en vietnamien ou dans la langue maternelle. Ce programme a en plus le mérite de contribuer à la préservation de la langue ainsi que de à la culture des H'mông», insiste Châu A Tàu.

Le Docteur Sisan Malone partage : «Apprendre dans une langue étrangère est difficile, car cela met les élèves dos au mur, ce qui peut s’avérer être pour eux une expérience décourageante. De plus, l’enseignement bilingue ne demande pas de lourds investissements. Alors, pourquoi s’en priver ?».
Des défis à relever

L’école maternelle Ban Phô, dans la province montagneuse de Lào Cai (Nord).


Le programme d’enseignement bilingue a certes obtenu des résultats encourageants, mais les défis sont encore nombreux. D’abord, il s’agit de savoir quelle langue vernaculaire choisir parmi la cinquantaine pratiquée au Vietnam. De plus, à la différence des lieux expérimentaux où les habitants sont soit des H'mông, des Jrais ou des Khmers, plusieurs régions sont peuplées de différentes minorités qui cohabitent. Par exemple, la province de Dak Lak (hauts plateaux du Centre) compte 44 ethnies. Comment statuer dans ces conditions ? Le choix est cornélien !
La formation des professeurs constitue un autre défi. En effet, les internats minoritaires souffrent d’une pénurie d’enseignants. Il faut donc renforcer l’enseignement des langues vernaculaire aux futurs professeurs de ces établissements, en mettant en place notamment des cursus spécialisés dans les écoles normales supérieures. Les ethnies peuvent aussi envoyer leurs représentants dans des écoles normales supérieures qui seront ensuite à même d’enseigner dans leur localité.
Aux dires d’experts, il faut élaborer une stratégie pour améliorer les compétences du contingent d’enseignants comme du programme pédagogique en milieu minoritaire. Ce qui passe par la création de privilèges ou de subventions pour les professeurs et élèves, dans la mesure où dans les régions montagneuses ou éloignées, l’éducation manque cruellement de moyens. De plus, il est urgent de former des professeurs d’ethnies minoritaires capables de jongler parfaitement entre leur langue maternelle et le vietnamien.

L'enseignement de langues ethniques dans 688 écoles 

Le Vietnam compte 20 villes et provinces qui organisent des cours d’enseignement des langues vernaculaires. Ils sont dispensés à environ 108.329 élèves de sept ethnies : Khmer, Hoa (d’origine chinoise), Cham, Êdê, Jrai, Bahnar et H'mông. Selon les statistiques du Service de l’éducation ethnique (ministère de l’Éducation et de la Formation), pour l’année scolaire 2010-2011, 688 écoles (4.764 classes, 108.329 élèves, 1.543 professeurs) donnaient des cours d’enseignement de langues ethniques. Par rapport à 2009-2010, 137 classes supplémentaires ont été ouvertes, ce qui a permis d’accueillir 2.489 élèves en plus, en particulier des H'mông et Bahnar.

 

HA MINH/CVN

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