La starlette de Bollywood Alia Bhatt donne l’impression d’avoir chaud en descendant un escalier extérieur du majestueux château de Ksiaz dans sa robe d’été à fines bretelles, au milieu d’une cascade de fleurs blanches.
En fait, c’est la fin de l’automne et la température avoisine zéro degrés Celsius sur les lieux de tournage de Shaandaar, une comédie sur une «noce délocalisée», genre très prisé du public indien, dont le générique comprend aussi le Roméo indien Shahid Kapoor.
Le château de Ksiaz, en Pologne, théâtre du tournage de deux films de Bollywood. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
«Shahid et Alia ont été magnifiques, ils ont porté des vêtements d’été dans ce climat, ils ont même sauté dans des cascades», s’extasie le metteur en scène vedette Vikas Bahl, tremblant de froid. Le tournage avait été prévu en septembre, quand il fait encore relativement chaud, puis retardé.
Entre deux prises d’images, Bhatt et Kapoor s’enveloppent dans leurs parkas fourrées et grignotent des snacks indiens devant le château du XIVe siècle qui avait accueilli jadis des rois tchèques et hongrois et plus récemment le chef nazi allemand Adolf Hitler.
De Bollywood, de Hollywood, les stars affluent en Pologne pour tourner des films populaires. Le pays attire de plus en plus de producteurs étrangers par des lieux de tournage de niveau international et le coût des équipes bien plus bas qu’en Europe de l’Ouest.
L’un des rois de Hollywood Steven Spielberg vient de terminer à Wroclaw une semaine de tournage - dans le plus grand secret - d’un film d’espionnage avec Tom Hanks.
Kick, un film d’action et d’amour tourné à Varsovie au printemps, est en train de battre tous les records historiques du box office indien et ses auteurs pensent déjà à une suite.
Noce exotique
Le tournage de deux films de Bollywood, Bangistan et Shaandaar, s’est fait en Pologne, ainsi que celui de la comédie historique japonaise Persona Non Grata. La cinéaste française Anne Fontaine est attendue début 2015 pour tourner Les Innocentes.
Roman Polanski, qui a obtenu un Oscar en 2003 pour un film tourné à Varsovie, Le pianiste, envisage de récidiver.
Perché au sommet d’une colline émergeant d’une vaste forêt, le château de Ksiaz, «visuellement enchanteur», est un site parfait pour une comédie racontant les déboires d’une famille indienne qui s’offre une noce exotique, dit Bahl.
«La Pologne est belle, elle est exotique, originale et surtout il y a ici un sens du style que nous n’avons pas vu ailleurs», confie le metteur en scène.
Le réalisateur Vikas Bahlon, à Ksiaz, dans le Sud de la Pologne. |
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Le producteur Vivek Agrawal reste muet sur le coût du tournage, dont une partie se déroule aussi en Grande-Bretagne, mais une source proche du projet situe son budget autour de six millions de dollars.
«Il est plus facile de venir en Pologne qu’aller en Europe de l’Ouest ou au Royaume-Uni. L’Europe de l’Est est nettement moins coûteuse», estime Agrawal, principal producteur des studios indiens Phantom Films.
Selon Maciej Zemojcin, président de la société de Cracovie Film Polska studio, partenaire local pour le tournage de Shaandaar et de Kick, plein de cascades, «une journée de tournage en Pologne coûte entre 35.000 et 150.000 dollars. En Europe de l’Ouest, c’est entre 30% et 50% plus cher, surtout en frais de personnel».
Paysages bucoliques
Ses affaires marchent, mais Zemojcin pense que «la production de films étrangers ne décollera pas en Pologne tant qu’on n’offrira pas de réductions d’impôt». Certes. Mais la Pologne n’en attire pas moins les cinéastes étrangers avec près de mille lieux de tournage, entre villes modernes et montagnes, plages et forêts sauvages, châteaux et paysages bucoliques rappelant le XIXe siècle. S’y ajoute une centaine de sociétés de production moitié moins chères qu’en Occident.
Le professionnalisme polonais s’appuie sur un demi-siècle d’expérience et de tradition, dit Tomasz Dabrowski, chef de la Commission du Film, organisme public qui se veut «guichet unique» pour faire du cinéma en Pologne.
«Dans les années 60 et 70, des metteurs en scène tels que Wajda, Zanussi, Kieslowski ou Polanski ont émergé de l’École de cinéma de Lodz, classée récemment par Hollywood Reporter comme la deuxième du monde», insiste Dabrowski.
Cet héritage historique est mis en valeur aujourd’hui grâce à l’apparition de studios ultra-modernes de post-production et d’animation nés avec la révolution numérique.
Dabrowski révèle qu’au moins un autre grand film hollywoodien pourrait être tourné en Pologne en 2015, mais observe que le contrat serait plus facile à boucler après un geste fiscal.
«Nous avons besoin de réductions d’impôt pour les producteurs étrangers aujourd’hui. Sinon, nous perdrons notre compétitivité et nous pourrions être incapables de rattraper le retard», conclut-il.