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Sotiris Mournos, agriculteur utilisant les technologies connectées sur son exploitation, à Platy (Grèce) le 18 octobre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Depuis deux ans, ce jeune agriculteur utilise une application de gestion d'exploitation pour accélérer sa production de coton et de fruits.
Mais dans une Grèce accrochée à ses traditions, l'agriculture intelligente ("smart farming"), qui vise à produire durablement plus et mieux en utilisant l'innovation technologique et numérique, progresse à tâtons.
Installée derrière des hectares de pommiers et de pêchers, la station météo enregistre des données en temps réel. Elle permet ainsi d'analyser et de corréler l'impact des conditions climatiques sur sa plantation de coton d'une dizaine d'hectares qui s'étend à perte de vue.
Grâce à ces nouveaux outils, "nous avons réussi à (...) augmenter le rendement financier" de notre exploitation, se félicite cet homme de 25 ans, qui a abandonné ses études universitaires d'informatique pour se consacrer aux terres familiales.
Mesurer l'humidité ou le taux d'azote dans le sol permet par exemple d'éviter l'utilisation excessive d'engrais ou d'économiser l'eau.
Désertification
Le développement de l'agriculture intelligente peut s'avérer une réponse à la désertification qui gangrène les campagnes.
Pays traditionnellement agricole par le passé, la Grèce a perdu ces dernières décennies de nombreux professionnels du secteur. L'agriculture, délaissée au profit des services et surtout du tourisme, ne représente plus que 5% du PIB.
"La majorité des jeunes de mon village préfèrent le salariat dans d'autres métiers et renoncent au travail dans les champs", témoigne Sotiris Mournos.
Dans son village de Platy, cet agriculteur fait encore figure d'exception. Ses collègues agriculteurs restent viscéralement attachés à la culture traditionnelle faite d'irrigation, de fertilisation fréquente et de pulvérisation préventive.
Principaux obstacles au développement de l'agriculture intelligente : les petites surfaces des exploitations - moins de 10 hectares en moyenne -, une topographie variable en raison du relief montagneux du pays mais aussi les réticences des agriculteurs plus âgés, peu portés sur l'informatique.
À Kiourka, à une trentaine de kilomètres au nord d'Athènes, le producteur bio Thodoris Arvanitis déplore ainsi que ses collègues "ne s'intéressent pas (aux nouvelles technologies) car ils ne sont pas assez éduqués et croient avoir suffisamment d'expérience", juge-t-il.
À cela s'ajoute "le manque d'esprit de coopération, un problème endémique", déplore Aikaterini Kasimati, ingénieure en agronomie à l'université d'agronomie d'Athènes. "Il y a aussi la peur de l'appropriation des données enregistrées, un sujet qui crée une controverse au niveau international", relève-t-elle.
Résultat : la Grèce est en queue de peloton dans l'utilisation de ces systèmes en Europe, affirme Vassilis Protonotarios, responsable du marketing de la société Neuropublic, spécialisée dans l'agriculture numérique.
Défis environnementaux
Un technicien contrôle une station météo dans un verger à Platy, le 18 octobre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Toutefois les pressions sur les coûts de production et surtout les défis environnementaux liés au changement climatique poussent au développement de ces nouveaux modes de gestion des exploitations.
"Nous observons la dégradation constante des champs et la réduction de leur rendement", souligne Machi Syméonidou, agronome et créatrice de la startup Agroapps. "L'eau devient (aussi) très coûteuse".
Elle se veut toutefois optimiste : "On n'est pas aux États-Unis ou aux Pays-Bas (où ces systèmes sont répandus, NDLR), mais comme la technologie devient plus simple et moins chère, ces outils sont de plus en plus utilisés".
Pour renforcer le secteur, le ministère du Développement agricole en fait la promotion avec une enveloppe de 230 millions d'euros d'ici 2025, provenant surtout de programmes d'innovation de la politique agricole commune (PAC) de l'Union européenne.
En Grèce comme ailleurs, les tensions en Ukraine, qui a bouleversé les équilibres alimentaires mondiaux, montre qu'"il est de plus en plus nécessaire de produire de la nourriture au niveau local national", insiste Aikaterini Kasimati.
AFP/VNA/CVN