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Des habitants du quartier populaire de la Benauge expérimentent un marché de producteurs et une "cantine" par et pour les résidents, à Bordeau. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Dans un quartier anciennement ouvrier de la ville, les commerces de proximité se réduisent comme peau de chagrin et il ne reste plus qu’un supermarché pour s’approvisionner. "Il y a un sentiment croissant d’abandon de la part des habitants qui ont l’impression de vivre dans une cité dortoir", affirme Gabrielle Rodriguez, responsable du projet LIA (Laboratoire d’initiatives alimentaires) au sein d’e-graine Nouvelle-Aquitaine.
En 2019, la mairie sollicite cette association citoyenne pour développer un projet autour du "mieux manger" à la Benauge. "Les gens n’ont pas besoin qu’on leur apprenne la saisonnalité des fruits et légumes ou ce qu’il faut manger. Le problème c’est qu’il existe une vraie précarité dans le quartier, un manque d’offre adapté et surtout un besoin de solutions concrètes", plaide Mme Rodriguez.
Après des mois de micro-trottoirs, porte-à-porte et surtout de "marmite à rêves" où les habitants pouvaient glisser leurs souhaits les plus fous, deux grandes idées s’imposent : un marché avec des produits de qualité et une offre de restauration valorisant les savoir-faire du quartier, tous deux à prix accessibles.
Depuis 2022, le LIA transforme ces rêves en réalités, même si elles restent expérimentales. Un vendredi après-midi par mois, deux agriculteurs locaux viennent proposer leurs produits et livrer des paniers précommandés. Avec l’espoir que ce marché devienne hebdomadaire et pérenne.
Au pied des immeubles
Des habitués s’y ruent, d’autres s’approchent timidement, tâtent les légumes, jettent un coup d’œil aux prix et finissent par discuter avec les producteurs. Sourire aux lèvres, Suzanne Decoq, 90 ans, dont 40 à la Benauge, semble ravie de pouvoir faire ses courses au pied de son immeuble. "Regardez, c’est magnifique, j’ai pris des courgettes, poireaux, carottes et ce petit truc là que je vais tester", dit-elle en pointant une courge butternut.
Tomates cerises en vente sur un marché de producteurs et une "cantine" par et pour les résidents, à Bordeaux. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Fatima Lattaf, 73 ans, hésite un peu devant les étales avant de prendre quelques légumes "pour tester et les encourager à continuer", même si ça reste "encore un peu cher" pour elle. "L’idée, à terme, est de mettre en place un système où les gens, selon leurs moyens, auraient la possibilité de payer 75%, 100% ou 125% du prix fixé par le producteur, sachant que des habitants de quartiers aux alentours, avec plus de moyens, viennent aussi", explique Gabrielle Rodriguez.
Nicolas Viel, l’un des deux producteurs présents, juge l’expérience "plutôt positive", même s’il n’y trouve "pas encore tout à fait son compte". "Un marché, il faut compter un ou deux ans pour que ça prenne, car les gens ont des habitudes d’achat difficiles à changer", estime cet agriculteur du Lot-et-Garonne voisin.
La mairie écologiste soutient ce projet de "marché atypique", "à vocation sociale, solidaire", mais pour qu’il puisse se tenir de manière régulière, "sous cette forme, il faut que nos services puissent lever les barrières réglementaires", indique Eve Demange, conseillère municipale en charge de la résilience alimentaire.
Dans le même esprit, le Centre d’animation Bastide-Benauge accueille la "cantine de quartier" chaque dernier jeudi du mois.
En cuisine, un habitant de la Benauge bénévole. À table, une vingtaine de personnes, inscrites sur un groupe Whatsapp du quartier, pour un prix libre. Dégustant un "bol renversé" mauricien, Fabienne Girardot, 59 ans, est "fière" de participer à une action "à contresens de l’industrialisation à outrance".
"On est dans le pays de la gastronomie, pourquoi il n’y aurait que les riches qui aient le droit de bien manger ? Nous aussi, on sait ce qui est bon et sain pour nous", lance cette habitante du quartier, accompagnatrice d’enfants en situation de handicap. Elle plaide pour une "alimentation saine, démocratique et près de chez nous".
Le LIA réfléchit aujourd’hui à "la création d’une coopérative économiquement viable et pérenne, pour et par les habitants, capable de générer de l’emploi et toujours en lien avec le monde agricole", explique Gabrielle Rodriguez, qui cherche des financements.
Pour que, justement, l’"expérimentation" du marché et de la cantine n’en soit plus une.
AFP/VNA/CVN