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Un membre du personnel soignant autour d'un patient atteint du nouveau coronavirus au service des soins intensifs de l'hôpital Casalpalocco près de Rome, le 24 mars. |
Le personnel médical observe un strict protocole de sécurité : tous sont couverts de la tête aux pieds d'une combinaison blanche avec capuche, les mains enfouies dans des gants en latex et le visage protégé par un masque et des lunettes couvrantes.
Régulièrement, les infirmiers nettoient leurs gants avec du gel désinfectant. Chacun leur tour, ils sortent pour prendre un bol d'air : dehors, le décor champêtre avec ses arbres et ses chants d'oiseaux ne réussit pas à leur faire oublier leurs patients. Certains tentent de se relaxer en tirant nerveusement sur une cigarette.
Le directeur de l'établissement hospitalier, Antonino Marchese, brosse un tableau inquiétant de la situation : "le nombre des patients infectés est certainement plus élevé que celui donné tous les soirs au moment de la publication du bilan officiel, car nombre de patients se sont mis en isolement sans être testés, ils sont chez eux et se rétablissement lentement".
"D'autre patients ont probablement été infectés et ne l'ont même pas remarqué, ils se sont remis", ajoute cet homme jovial en blouse blanche, le visage partiellement couvert par un masque et surmonté d'une abondante chevelure blanche. "Le nombre des personnes infectées est plus important que ce que l'on dit", conclut-il.
Tandis que le calme semble régner dans son unité de soins intensifs, il reconnaît être confronté à plusieurs pénuries : "Malheureusement nous n'étions pas bien préparés. Les premiers foyers ont entraîné une consommation soudaine et énorme (de certains produits) et c'est seulement maintenant que des usines se reconvertissent pour nous en fournir".
Malgré le bilan qui ne cesse de s'alourdir en Italie, où le cap des 9.000 morts a été franchi, certains ont réussi à vaincre le coronavirus.
C'est le cas de Fabio Biferali, un cardiologue romain de 65 ans qui a passé huit jours "isolé du monde" dans l'unité de soins intensifs et de réanimation de l'hôpital Policlinico Umberto I de Rome.
"La mort rôdait"
"J'avais des douleurs étranges. Étant médecin, je me suis dit que c'était une pneumonie. C'était comme avoir un ouistiti sur le dos", se remémore-t-il. "Je ne peux pas parler de cette expérience sans pleurer. Les larmes me viennent facilement"
"Ça m’a aidé d’être médecin pour supporter la douleur", confesse-t-il. "Le traitement pour la thérapie par l’oxygène est douloureux, la recherche de l'artère radiale est difficile (...) Désespérés, d’autres patients criaient +Assez ! Assez !+".
Contrôle de température d'une infirmière au service des soins intensifs de l'hôpital Casalpalocco près de Rome, le 18 mars. |
"Le plus dur, c'était la nuit, je ne pouvais pas dormir, l'angoisse envahissait la chambre. Le jour, les médecins passaient, le personnel d'entretien, ceux qui distribuaient la nourriture. La nuit, les cauchemars arrivaient, la mort rôdait".
"Comme je ne dormais pas, je comptais les respirations de mon voisin de chambre avec le chronomètre de mon téléphone. Je me suis fixé comme tâche de faire attention à lui. Comme ça, je m'oubliais moi-même".
Le personnel médical "était complètement couvert, les pieds, les mains, la tête. Je ne pouvais voir que leurs yeux derrière leur masque de verre. Des yeux affectueux. Je n'écoutais que leurs voix. Beaucoup étaient jeunes, des médecins en première ligne. C'était un moment d'espoir"
Ce qui lui a le plus manqué ? Ses proches : "J'avais peur de ne plus les voir, de mourir sans pouvoir m'accrocher à (leur) main, je me laissais envahir par le désespoir..."
De cette expérience, il retient une leçon : "À partir de maintenant, je me battrai pour la santé publique. On ne peut en faire une question comptable, la laisser entre les mains des politiques. Nous devons défendre l'un des meilleurs systèmes de santé du monde".
AFP/VNA/CVN