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La fusée Ariane 5 décollant de Kourou, en Guyane, le 22 juin, avec à son bord les satellites Measat-3d et GSAT-24. |
Les deux énormes boosters, des propulseurs fixés le long du corps principal de la fusée, arrachent du sol le monstre de 770 tonnes en consumant les 240 tonnes de poudre que chacun contient en à peine deux minutes. Dans le même temps, le puissant moteur Vulcain 2 avale en huit minutes 225 tonnes d'oxygène et d'hydrogène liquides nécessaires pour arracher Ariane 5 à l'attraction terrestre.
Et permettre ensuite à l'étage supérieur de la fusée d'aller déposer les deux satellites sur leur orbite de transfert, d'où ils iront se positionner à 36.000 km de la Terre. Le poids des deux engins, malaisien et indien, avoisine 10 tonnes.
La préparation du vol VA257 - pour 257e vol d'une fusée Ariane - a débuté il y a près de deux ans avec l'arrivée des premières tôles brutes dans l'usine d'Arianegroup aux Mureaux, en région parisienne, pour façonner les réservoirs de l'étage principal de la fusée.
Une fois fabriqués, les différents éléments du lanceur ont été convoyés à Kourou où la campagne de lancement de 29 jours débute : assemblage des différents éléments, remplissage des réservoirs des satellites avant leur installation sous la coiffe du lanceur.
Outre l'interruption des tirs des fusées russes Soyouz depuis la Guyane, qui réduit l'activité du centre spatial, le conflit en Ukraine a bousculé les plans : les satellites n'ont pas pu être convoyés par les avions très gros-porteurs ukrainiens Antonov comme c'est habituellement le cas.
Le satellite malaisien "Measat-3d est arrivé par bateau, (l'indien) Gsat-24 par un avion de transport C-17 de l'armée de l'air indienne", relate Bruno Gérard, directeur d'Arianespace et d'Arianegroup à Kourou.
À la veille du lancement, la fusée se trouve encore dans son bâtiment d'assemblage final (BAF), posée sur sa table de lancement.
Commence l'une des ultimes opérations de pré-lancement : le transfert de la fusée vers le pas de tir situé à quelques kilomètres sur une voie ferrée au train de sénateur de 4km/h. Ne reste plus à effectuer que le remplissage des réservoirs.
"On ne remplit jamais l'oxygène et l'hydrogène liquides au BAF, c'est trop dangereux", explique Bruno Gérard.
"Pincement au cœur"
À trois kilomètres du pas de tir, dans le bunker d'un premier centre de contrôle, le "cockpit du lanceur", une cinquantaine d'ingénieurs et opérateurs, chacun derrière son pupitre, veillent à la bonne santé de la fusée et de son pas de tir.
"On réveille le lanceur pour faire les dernières vérifications", explique Bruno Erin, chef de mission pour Arianespace.
Dans la salle de contrôle Jupiter, la "tour de contrôle" du lancement, tous les paramètres du vol sont scrutés, des radars et télémesures pour suivre la fusée en vol, à la météo ou encore les "moyens de sauvegarde" pour s'assurer de la "neutralisation" du lanceur en cas de problème.
"On n'appuie pas sur un bouton pour décoller. Tant qu'il n'y a pas de paramètre négatif, on n'arrête pas le lancement", résume Raymond Boyce, directeur des opérations pour le Centre national d'études spatiales (Cnes), qui gère le centre spatial.
Après ce 113e tir d'Ariane 5, fusée qui a débuté sa carrière en 1996, ne reste plus que 4 vols, deux cette année et deux en 2023.
Dont un emblématique : la mission Juice de l'Agence spatiale européenne (ESA) vers les lunes glacées de Jupiter.
Pas de quoi nourrir de nostalgie excessive pour autant. "Il y a aura un peu de tristesse, il y aura les anciens d'Ariane 5 comme il y a eu les anciens d'Ariane 4", estime Daniel de Chambure, responsable du bureau de l'ESA à Kourou.
Bruno Gérard s'attend lui juste à un "petit pincement au cœur". "Mais quel que soit le lanceur, c'est toujours le même métier et il y a Ariane 6 qui arrive", tempère ce vétéran, dont le premier vol était le "VA19", une Ariane 3 en 1987.
Le premier vol d'Ariane 6, plus flexible et moins coûteuse qu'Ariane 5, donc plus compétitive face à la féroce concurrence de l'américain SpaceX, a été reporté en 2023.