Dans le centre de l’Angleterre, on récolte aussi les chaises

À Wirksworth, bourg médiéval du centre rural de l’Angleterre, une étrange pépinière attire le regard : des arbres qui s’enroulent amoureusement autour de blocs de plastique bleu les invitant à prendre la forme ici d’une chaise, là d’un abat-jour.

Quelques centaines de meubles - des chaises, des abat-jour mais aussi de petites tables ou des cadres de miroir - sont ainsi «cultivés» par Gavin Munro, l’homme à la tête de cette curieuse plantation mêlant art, design et arboriculture. Sa société, Full Grown, a déjà présenté quelques prototypes de ces meubles qui, une fois ôtées les formes en plastique bleu, sont faits d’une seule et unique pièce de bois.

Des chaises «cultivées» par Gavin Munro, l’homme à la tête d’une curieuse plantation mêlant art, design et arboriculture à Wirksworth, dans le Centre de l’Angleterre.

«C’est un peu comme un vignoble. Vous devez attendre quelques années pour que tout démarre», explique Gavin, qui s’est lancé dans ce projet il y a une dizaine d’années. Il ne suffit pas seulement de planter les arbres et de les laisser croître tranquillement. Gavin doit sans cesse s’en occuper et être à l’écoute de leur inclinaison naturelle. «Ils ne prennent pas la forme d’une chaise tout seul mais on ne peut pas non plus les forcer à faire ce qu’ils ne veulent pas», détaille le designer âgé de 40 ans.

Sur le terrain d’un hectare qu’il a loué sur un domaine agricole qui compte aussi une micro-brasserie, un fumoir, des champs de fleurs et beaucoup de moutons, Gavin met patiemment en forme ses arbres, à grand renfort de soins, d’élagage, de recépage et de greffage.

Pour engendrer une chaise, les saules ont besoin de quatre à cinq ans, les chênes jusqu’à neuf ans. L’artiste-cultivateur travaille également avec des frênes, des noisetiers, des pommiers sauvages et des sycomores.

Illumination

«L’homme taille les arbres depuis la préhistoire. La plupart des choses que nous faisons remontent à l’âge de pierre, rappelle Gavin. Nous partons de l’évolution naturelle de l’arbre et nous exerçons la torsion la plus subtile possible».

«Au début, je les torturais et ça ne marchait pas», confie-t-il. Les désherbants chimiques utilisés dans les premiers temps ont causé plus de mal que de bien, de sorte que les méthodes naturelles leur sont maintenant préférées : par exemple le lait, pour lutter contre l’oïdium, une maladie causée à certains végétaux par un champignon.

Chaque jour, Gavin inspecte attentivement ses plantations, armé de sécateurs. «À tout moment, il y a une branche qui est au bon endroit pour entamer quelque chose et vous devez la trouver», explique-t-il. «Il n’est pas forcément évident de distinguer les pousses et les branches qu’il faut garder de celles qu’il faut couper».

Les premières chaises seront récoltées fin 2016.
Photo : AFP/VNA/CVN

C’est dans son enfance que Gavin a puisé son inspiration. Sa mère avait un bonsaï qui ressemblait à un trône. Et il dut subir étant jeune une lourde opération de la colonne vertébrale. «Cela m’a fait penser au greffage et à la manière dont les choses s’assemblent», se souvient-il.

Gavin a étudié le design mobilier à Leeds (Nord de l’Angleterre) et façonnait des objets à partir de bois flottant en Californie quand l’idée lui est clairement apparue : «J’assemblais de gros morceaux et j’ai eu une illumination : l’idée que si nous cultivions les choses que nous voulons directement dans la forme souhaitée, il n’y aurait pas de perte», raconte-t-il. Sitôt rentré au Royaume-Uni en 2005, Gavin met cela en pratique et commence à planter des arbres.

Exercice de foi

Une décennie plus tard, les fruits de son travail ne sont pas encore prêts à être cueillis. Les premières chaises seront récoltées fin 2016, puis rabotées et finalisées avant d’être vendues l’année suivante.

«Je ne verrai les conséquences de mon travail de ce matin que dans cinq ans, au plus tôt, admet Gavin. C’est un véritable exercice de foi que de continuer à le faire».

Heureusement, un investisseur apporte les fonds nécessaires le temps que les meubles mûrissent. Les chaises seront vendues 2.500 livres (3.400 euros) et les abat-jour coûteront au minimum 900 livres (1.270 euros). La société a déjà réalisé des préventes, principalement en France et aux États-Unis, mais aussi à Londres, à Hong Kong, en Allemagne et en Espagne. Pendant ses huit premières années, le projet de Gavin n’a eu qu’un écho très local. Aujourd’hui «en ville, quelques personnes sont enthousiastes, d’autres pensent que nous sommes fous», s’amuse le designer.

AFP/VNA/CVN

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