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La soprano suisse Estelle Poscio et le ténor libanais Ziad Nehme au cours de la répétition générale de +L'Ombre de Venceslao+ à l'Opéra de Rennes, le 10 octobre. |
La création est le fruit de la coopération exceptionnelle de onze maisons d'opéra (Avignon, Clermont-Ferrand, Toulouse, Marseille, Montpellier, Reims, Toulon, Bordeaux), du Teatro municipal de Santiago du Chili et du Teatro Colon de Buenos Aires.
Elle relate l'histoire extraordinaire de Venceslao, un homme de la "pampa" argentine, perdu dans un village où il pleut autant que dans le Macondo de Cent ans de solitude de Garcia Marquez, et de sa double famille.
Car Venceslao a deux foyers : l'un avec sa femme Hortensia dont il a deux enfants, Lucio et China, et l'autre avec sa maîtresse Mechita, mère de son fils Rogelio. Chacun partira vers son destin, les chutes d'Iguazu pour les uns et la grande ville pour les autres, dans une Buenos Aires en proie à un coup d'État.
Un perroquet, un cheval et un singe complètent la liste improbable des personnages de la pièce.
Écrite en 1977, elle évoque plutôt l'Argentine des années 50, avec l'état de siège décrété en 1955 lors du coup d’État qui renversa le Général Peron.
La soprano suisse Estelle Poscio et le baryton français Thibault Desplante, au cours d'une répétition générale de "L'Ombre de Venceslao" à l'Opéra de Rennes, le 10 octobre. |
L'humour corrosif de Copi (de son vrai nom Raúl Damonte, 1939-1987) irrigue le livret, porté par la musique exigeante du compositeur Martin Matalon, 57 ans, qui fait ses débuts à l'opéra après avoir travaillé pour le théâtre musical et pour le cinéma.
"Ce qui rend cet opéra très vivant, c'est le tragique, qui va de pair avec le comique de bout en bout", explique le compositeur.
L'opéra voit se succéder sans temps mort 34 courtes scènes, dont deux exclusivement musicales. Martin Matalon a décidé de varier au maximum les styles vocaux, incluant des ensembles à géométrie variable, de l'aria au quintette. Il utilise aussi quatre joueurs de bandonéon.
L'opéra de deux heures comprend aussi du tango dansé (Jorge Rodriguez) et chanté, avec les voix légendaires de Tita Merello, Libertad Lamarque et Carlos Gardel.
Une centaine d'auditions
"L'idée était de jouer avec toutes les possibilités vocales d'un opéra", explique Martin Matalon. Le casting résulte d'une sélection sévère, sur la base d'une centaine d'auditions de jeunes chanteurs lyriques.
Le metteur en scène argentin, Jorge Lavelli (droite), et le compositeur argentin Martin Matalon, au cours de la répétition générale de +L'Ombre de Venceslao+, à l'Opéra de Rennes, le 10 octobre |
L'Ombre de Venceslao est la première création contemporaine du Centre français de promotion lyrique (CFPL), une association qui a pour objectif de promouvoir les jeunes chanteurs français et de fédérer les maisons d'opéra autour de projets communs.
Pour son troisième opéra, le CFPL s'est lancé dans une création, fait rare dans le monde de l'opéra, dominé par le répertoire des XVIIIe et XIXe siècles.
Le rôle de Venceslao est tenu par le jeune baryton Thibaut Desplantes (qui a notamment chanté Ali Baba dans Mârouf, savetier du Caire à l'Opéra comique). Il est entouré de quatre autres jeune chanteurs dont Estelle Poscio (qui danse aussi magnifiquement le tango), Sarah Laulan et Ziad Nehme, un jeune ténor libanais.
Le metteur en scène aux commandes est l'Argentin Jorge Lavelli, fin connaisseur de l'œuvre de Copi qu'il a popularisée en France depuis cinquante ans en montant une dizaine de pièces.
"On retrouve dans l'opéra les grands thèmes de Copi : la mort, le temps qui passe, le désir d'un ailleurs", explique Lavelli, 83 ans, qui a traduit et adapté la pièce en livret.
L'action "se déroule dans une réalité, mais une réalité rêvée", où la scène finale voit Venceslao retrouver les siens après son suicide, dans un pied de nez à la mort et à la cruauté du destin.
Lavelli explique être fasciné par l'imprévu chez Copi, qui "échappe à toutes les conventions du théâtre", avec des situations parfois très crues, y compris avec des allusions sexuelles et scatologiques. Une imprévisibilité qui peut, admet-il, parfois nuire à la compréhension pour le spectateur.