Coronavirus : les champions de boxe thaï au tapis en Thaïlande

Privés de combats par la crise du coronavirus, des milliers de boxeurs professionnels ont regagné leur village en Thaïlande. Désœuvrés, incapables de subvenir aux besoins de leur famille, beaucoup craignent de ne jamais remonter sur un ring.

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Le boxeur professionnel Pongpisarn Sunyong à l'entraînement avec un masque dans une salle de muay thaï de Bangkok, le 9 avril.
Le boxeur professionnel Pongpisarn Sunyong à l'entraînement avec un masque dans une salle de muay thaï de Bangkok, le 9 avril.
Photo : AFP/VNA/CVN

"J'ai commencé le muay thaï (la boxe thaï, ndlr) à 11 ans. C'est toute ma vie. Du jour au lendemain, tout s'est arrêté", soupire Somiong. Avant la pandémie, le combattant de 24 ans s'entraînait sept heures par jour et gagnait jusqu'à 600 dollars (550 euros) par mois grâce aux tournois, soit davantage que la plupart des salaires dans le pays.

Mais le sport national en Thaïlande n'a pas échappé à la crise. Les salles de boxe, où les liasses de billets circulaient entre parieurs dans une ambiance survoltée, ont fermé, privant les boxeurs de tout revenu. Si les plus réputés, qui pouvaient empocher jusqu'à 10.000 dollars par combat, peuvent vivre sur leurs réserves, beaucoup se retrouvent totalement démunis. Une situation dramatique aussi pour leur famille qui subsistait souvent en partie grâce à cet argent.

Somiong a été contraint de regagner la petite maison en tôle de ses parents, de modestes agriculteurs karens de la province de Kanchanaburi, à trois heures de route de Bangkok. "Je ne fais plus aucun sport, je ne peux plus aider financièrement ma famille, ça joue beaucoup sur mon mental", confie-t-il.

Foyers de contamination

Nombre de boxeurs pourraient ne jamais remonter sur un ring. Les salles de sport ont fermé et "beaucoup ne seront plus suffisamment entraînés", s'inquiète Samart Payakaroon. L'ex-champion, l'un des plus réputés du pays avec 129 victoires en 150 combats, dispense gratuitement depuis deux semaines des cours en ligne pour essayer de combler le vide. Jusqu'à leur interdiction, les combats de muay thaï ont été l'un des principaux foyers de contamination en Thaïlande.

Pongpisarn Sunyong (en haut) et Sarawut Prohmsut, d

Plusieurs dizaines de personnes, dont de hauts gradés militaires, des hommes politiques et un acteur, ont été infectées par le COVID-19 début mars lors d'un tournoi à Bangkok et en ont contaminé des dizaines d'autres par la suite. Même si la situation sanitaire s'améliore, "cela prendra du temps avant que les Thaïlandais retournent dans les salles de boxe. Ils ont peur", relève Samart Payakaroon.

Le gouvernement a promis une aide de 5.000 bahts (140 euros) par mois alors que sept millions de travailleurs pourraient perdre leur emploi d'ici juin. Mais les nombreux boxeurs qui ne disposent pas d'une licence appropriée n'y auront pas droit, relève Jade Sirisompan de la World Muay Thai Organization, l'une des principales fédérations internationales de boxe thaïlandaise. "Cela peut devenir rapidement catastrophique. La plupart boxent depuis qu'ils sont enfants et ne savent rien faire d'autre", ajoute-t-elle.

Les autorités thaïlandaises ne peuvent pas tout pallier dans le pays qui recense environ 2.600 cas de coronavirus et 46 décès. Il faut qu'une solidarité s'installe pour que les combattants les plus réputés aident "moralement et financièrement les plus démunis", estime Youssef Boughanem, champion du monde poids moyen de muay thaï et propriétaire d'un camp d'entraînement dans la station balnéaire de Pattaya.

"Les boxeurs visent tous les jours l'excellence, ne plus avoir de but risque d'entraîner de profondes dépressions", ajoute le Belgo-Marocain, surnommé "Terminator" avec plus de 120 victoires par KO à son actif. Faute d'argent à donner à sa famille, Sarawut Prohmsut n'a pas voulu repartir dans son village, préférant rester vivre avec un autre boxeur dans le petit gymnase de Bangkok où il s'entraînait de longues heures par jour il y a encore quelques semaines.

Le propriétaire de la salle les loge gratuitement et leur offre le couvert contre de menus travaux. Pratiquer ? Sarawut n'a "plus vraiment la tête à ça". Et, quand il le fait, quelques minutes par jour pour passer le temps, il doit respecter une distance de deux mètres avec son partenaire pour éviter au maximum les risques de contagion. Un comble pour un des plus puissants sports de contact au monde.

AFP/VNA/CVN

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