Chez les Tà Ôi

Les Tà Ôi font partie des 53 minorités ethniques du Vietnam. Ils vivent essentiellement dans le district montagneux d’A Luoi, province de Thua Thiên Huê (Centre). Ils possèdent un trésor culturel inestimable qui contribue à enrichir et à diversifier la culture nationale.

>>Les minorités ethniques au centre d'un colloque à Hanoï

>>Xe ôm, le nouveau métierdes ethnies à Hoàng Su Phi

>>La fête Katê reconnue patrimoine culturel national

Ces dernières années, la province de Thua Thiên Huê (Centre) a pris une série de mesures pour préserver la culture traditionnelle de l’ethnie Tà Ôi.
Photo : CTV/CVN

A Luoi, un nom qui évoque de sinistres souvenirs des deux guerres d’Indochine. Point névralgique de la piste Hô Chi Minh, il était l’objet de combats sanglants, du matraquage aérien continu exercé par l’US Air Force, la victime Nº1 de l’agent orange américain.

À la recherche du passé

Notre voiture s’arrête au bourg du district. Nous nous attendions à une bourgade en pleine brousse. C’est un centre urbain flambant neuf traversé par une autoroute remplaçant la piste forestière.

Nous profitons d’un bref séjour pour faire connaissance avec les Tà Ôi qui, avant la Révolution de 1945, avec toutes les populations minoritaires des hauts plateaux du Centre, étaient nommées moi (sauvages). Depuis un demi-siècle, ils ont conquis une individualité et la parité socio-politique avec d’autres groupes ethniques, tous ayant lutté côte à côte pour l’indépendance nationale. Nous ne rencontrons plus de moi cà răng căng tai (sauvages aux dents sciées et limées, et aux lobes d’oreille élargis). Cette pratique fait partie de l’esthétique et des rites initiatiques des anciennes tribus Tà Ôi. Elle peut commencer à partir de 13 ans, pour marquer le passage à l’âge adulte, la possibilité du mariage.

L’opération, toujours trois postulants chaque fois, se déroule auprès d’une source. La personne intéressée, garçon ou fille, a la bouche tendue par un morceau de bambou passé entre les rangées de dents. Allongée, elle est immobilisée par des gens qui lui serrent la tête, s’assoient sur son ventre et ses jambes. On lui scie six dents de la mâchoire supérieure et six autres de la mâchoire inférieure avec la lame dentée d’une épée, ce qui cause une douleur très vive. Avec l’oreille, l’opération est moins douloureuse. Avec une épine de pamplemoussier, on perce les lobes de l’oreille, on enfile dans les trous de courtes tiges d’argent de plus en plus grandes.

La fabrication des zèng est tout un art.
Photo : CTV/CVN

La femme mariée porte des anneaux d’argent de la grosseur d’une baguette à manger. À 30 ans, les anneaux sont gros comme l’auriculaire. Plus le trou est grand, plus la femme est belle et élégante. L’homme peut se faire percer le lobe de l’oreille ou non.

Si étrange que puisse paraître leur concept du beau concernant les dents et les oreilles, les Tà Ôi par ailleurs montrent une esthétique raffinée dans d’autres domaines : fêtes populaires, habillement, cuisine, danse, musique et contes oraux.

Le tissu zèng, un attrait unique des Tà Ôi

Prenons l’habillement traditionnel comme exemple. La fierté est le tissu zèng. Les pièces de zèng servent à confectionner les jupes des femmes et les pagnes des hommes. Elles servent aussi comme unité monétaire pour le troc contre les buffles, les bœufs, les gongs, le métal argent… Les tribus amies Pakô et Katu s’en approvisionnent auprès des Tà Ôi.

La fabrication des zèng est tout un art. Les fils proviennent d’un coton spécial provenant du cotonnier sauvage kapas transplanté dans le rây. La teinture à base végétale demande beaucoup de temps parce qu’elle dépend du temps sec ou humide. Le noir et le bleu s’obtiennent à partir des infusions de plante tardom et de coquillages spéciaux. Le jaune est produit par les racines du dàng dàng qui pousse dans la forêt profonde. Pour le rouge, il faut s’adresser aux Lao.

À cause du mariage sophistiqué des couleurs et de la richesse des motifs, le tissage du zèng demande beaucoup d’adresse et de temps, étant donné que les métiers restent artisanaux. La couleur dominante est le noir qui sert de fond à toutes les couleurs. On emploie cinq couleurs : le bleu, le blanc, et surtout le noir, le rouge et le jaune. Elles sont relevées par des perles artificielles. Les franges d’habit sont munies de grelots en argent et en cuivre qui étincellent. Les motifs de tissage, une soixantaine, ont valeur de symbole cosmogonique. Ils représentent l’univers, les plantes, les animaux, la terre nourricière, les mythes, légendes et histoires, les génies et les esprits.

Le kang kating assimile le tronc de l’arbre séculaire kating à deux lignes parallèles en zigzag qui représentent la pente Parsec (pente de l’Amour), site d’un amour malheureux entre un jeune homme pauvre et une fille de richard. Le motif «Sangsue de montagne» est l’image d’une sorcière cruelle dans un conte populaire. D’autres motifs représentent des animaux ou des parties de leur corps : queue d’hirondelle, ergot de coq…, des objets d’usage quotidien : jarre de piment, armes, trappe…, des plantes, fleurs, feuilles…, le Ciel père et la Terre mère, l’étoile polaire… L’homme n’a qu’un représentant, le danseur de la fête populaire.

Tous les motifs sont réalisés par des traits géométriques, ce qui dit le degré d’abstraction et de stylisation chez les Tà Ôi. Les décorations d’une jupe ou d’une veste nous apprennent bien des choses sur la conception de vie et la vie des habitants d’A Luoi.

Huu Ngoc/CVN
(Octobre 2006)

Rédactrice en chef : Nguyễn Hồng Nga

Adresse : 79, rue Ly Thuong Kiêt, Hanoï, Vietnam.

Permis de publication : 25/GP-BTTTT

Tél : (+84) 24 38 25 20 96

E-mail : courrier@vnanet.vn, courrier.cvn@gmail.com

back to top