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En s'opposant à la méga-fusion entre AT & T et Time Warner, les autorités à la concurrence américaines opèrent un changement de cap radical. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Pour le géant des communications américain, la fusion est "verticale" c'est-à-dire qu'elle réunit deux groupes qui ne sont pas en concurrence directe sur les mêmes marchés. Mais le département de la Justice, qui a porté plainte contre AT & T et Time Warner (CNN, HBO, studios Warner Bros...) lundi 20 novembre, estime qu'elle risque de provoquer une augmentation des coûts pour le consommateur.
Les autorités de la concurrence américaines, rattachées au ministère de la Justice (DoJ), ne se sont pas opposées à une fusion verticale d'ampleur depuis plusieurs dizaines d'années. Et le dossier se complique avec les attaques du président américain Donald Trump contre CNN.
"Si le gouvernement va devant les tribunaux, il va perdre", assure Larry Downes, expert en questions de concurrence à l'université de Georgetown, dans un article publié la semaine dernière par la célèbre Harvard Business Review.
"Dans le cas de fusions verticales, le gouvernement n'a jamais gagné un seul cas", rappelle-t-il, estimant que "cela représente un énorme changement dans le droit à la concurrence".
Il rappelle que "Wall Street a toujours considéré que des fusions entre acteurs économiques efficaces, comme dans le cas de fusions verticales, n'avaient pas beaucoup de risques de se voir bloquées et cela a contribué à alimenter la croissance de la Bourse depuis des dizaines d'années", écrit-il.
Selon cet expert, les attaques de Donald Trump contre CNN "soulèvent des questions concernant la liberté de la presse et d'interférences éventuellement illégales dans un examen qui doit être indépendant".
Maurice Stucke, un ancien responsable des services de la concurrence au DoJ qui enseigne maintenant à la faculté de droit de l'université du Tennessee, estime toutefois que le cas n'est pas si exceptionnel. "Il s'agit d'une industrie très concentrée avec peu de concurrents", a-t-il déclaré.
AT & T apporte à la fusion ses capacités de diffusion par le biais des appareils mobiles, du satellite et du câble. Time Warner a, lui, des chaines très regardées comme CNN et HBO et le contenu produit par Warner Bros.
Le PDG d'AT & T, Randall Stephenson, le 20 novembre à New York. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Une fois réunis, ils pourraient donc agir non seulement sur les prix des abonnements mais aussi des contenus.
Limites à la concentration
Les autorités de la concurrence américaines avaient accepté, en imposant des conditions, le rachat de NBCUniversal en 2013 par le câblo-opérateur Comcast mais, pour Maurice Stucke, le sentiment général est que les conditions imposées pour en réduire l'impact sur les consommateurs n'ont pas vraiment fonctionné.
"C'est une très bonne occasion de clarifier le champ d'application de la loi et, si le ministère de la Justice gagne, cela voudra dire qu'il y a des limites à la concentration" des entreprises, ajoute-t-il.
AT & T souligne qu'il doit pouvoir résister à la concurrence des géants de l'Internet comme Google et Facebook ainsi qu'à Netflix ou Hulu, qui court-circuitent les réseaux traditionnels pour fournir leurs programmes aux consommateurs.
Le PDG d'AT & T, Randall Stephenson, a souligné lundi que ces groupes "créent énormément de contenu original et le distribuent directement aux consommateurs. Cela bouleverse tant l'industrie des médias que des télécommunications à un niveau et à une vitesse que peu d'entre nous pouvaient imaginer ne serait-ce qu'il y a cinq ans".
Une victoire du DoJ impliquerait également que les autorités de la concurrence pourraient s'intéresser de beaucoup plus près au cas de Google, estime Maurice Stucke.
"Il y a beaucoup de raisons pour le gouvernement d'enquêter sur Google", juge-t-il, alors que le groupe est déjà visé par des enquêtes des autorités de la concurrence européennes.
Le procureur américain de l'État du Missouri a déjà lancé ce mois-ci une enquête contre Google, qu'il soupçonne d'utiliser abusivement les données personnelles des utilisateurs et de se servir de sa position dominante pour manipuler les résultats de recherche à son avantage.
"Je pense que les grands perdants de la décision du DoJ de tenter de bloquer la fusion seront Facebook et Google", a également estimé l'investisseur milliardaire Mark Cuban dans un tweet.