Cacao ivoirien : l’école pour éradiquer le travail des enfants

Premier producteur mondial de cacao, l’image de la Côte d’Ivoire est assombrie par une réalité peu glorieuse : au moins 300.000 enfants travaillent pour la filière du cacao ivoirien. Pour endiguer ce fléau, les autorités misent sur l’éducation.

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Des enfants transportent du bois depuis une exploitation de cacao vers le village de Goboué dans le Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire le 7 mars.
Photo : AFP/VNA/CVN

«À l’âge de 5 ans, je partais au champ avec mon papa. Aujourd’hui, mes enfants vont à l’école», se félicite Peter, planteur de cacao à Bonikro, village du centre de la Côte d’Ivoire, un pays qui mise sur l’école pour redorer son image écornée par le travail des enfants dans les plantations.

La Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao, avec 35% des parts du marché mondial. Vital pour le pays, ce secteur représente 15% du PIB, plus de 50% des recettes d’exportation et surtout les deux tiers des emplois et des revenus de la population, selon la Banque mondiale.

Mais ces chiffres sont assombris par une réalité peu glorieuse : entre 300.000 et un million d’enfants travaillent pour la filière du cacao ivoirien, a révélé un rapport de l’Initiative internationale pour le cacao (ICI), une organisation créée par l’industrie du chocolat dans le but de remédier à ce problème.

Pas ou peu payés, ces enfants viennent souvent de pays voisins comme le Burkina et sont utilisés notamment pour le transport de charges lourdes, la pulvérisation de pesticides ou l’abattage des arbres.

Lutter contre le travail des enfants

Pour endiguer ce fléau, les autorités mettent le paquet sur l’éducation : depuis 2011, 17.829 salles de classe préscolaires et primaires et 155 collèges ont été construits ou réhabilités.

Des élèves d’une école primaire construite par le géant suisse Nestlé en 2013, dans le village ivoirien de Goboué.

L’école «reste pour nous l’alternative et la réponse la plus efficace pour lutter durablement contre le travail des enfants», assure la secrétaire exécutive du Comité national de surveillance (CNS), superstructure de coordination et d’évaluation des actions du gouvernement ivoirien contre le travail des enfants, Sylvie Patricia Yao. «Une fois que l’enfant est à l’école, il n’a pas le temps d’être au champ, donc il ne peut pas faire les travaux difficiles», explique Djouha Gnéprou, planteur de cacao à Goboué, un village de l’ouest ivoirien qui a inauguré sa première école en 2013.

Depuis 2012, le gouvernement ivoirien a mis en place un Plan d’action national de lutte contre les pires formes de travail des enfants (PFTE).

Le PFTE 2015-2017, d’un coût de 13 milliards de FCFA (près de 20 millions d’euros), est consacré notamment aux activités génératrices de revenus et aux investissements dans l’éducation dans les zones à risques, afin de «réduire de 30% à l’échéance 2017» le nombre d’enfants travaillant pour la filière du cacao.

Critiqué par les groupes de pression, qui l’accusent de profiter du travail des enfants, le géant suisse de l’agroalimentaire Nestlé s’est engagé en ce sens avec des campagnes de sensibilisation et la construction d’écoles dans les zones de grande production.

En Côte d’Ivoire, le groupe a construit en «40 écoles en quatre ans», dont celle de Goboué (Sud), se réjouit Omaro Kané, chez Nestlé-Côte d’Ivoire.

À Goboué, la petite école a changé les habitudes des 1.300 habitants, qui sont majoritairement des producteurs de cacao. «De plus en plus, on envoie les enfants à l’école», raconte d’une voix fière Djouha Gnéprou.

Avant 2013, les enfants marchaient chaque jour 8 km pour rejoindre l’école du village voisin.

«C’était difficile. Les tout petits enfants ne pouvaient pas aller à l’école parce que la route est très longue», raconte Jean Oulaï, planteur, la soixantaine, père de six enfants dont le dernier, Oulaï, 10 ans, est élève en classe de CE2.

La petite école de trois classes, située à l’entrée du village, est devenue bien étroite pour ses 224 élèves âgés de 6 à 10 ans.

«La première année, j’ai eu un effectif record de 80 élèves en CP1», la classe d’entrée à l’école primaire, se souvient le directeur Denis Kouakou Angoua.

«Une habitude» dans le monde rural

Depuis la cour de l’école, on aperçoit les plantations de cacao où les enfants faisaient jadis l’apprentissage de l’agriculture.

De fait, dans le milieu rural, le travail des enfants relève de l’habitude : on estime qu’il permet à l’enfant de s’assumer au sein de sa famille et de s’assurer un avenir.

«L’Africain considère qu’un enfant c’est quelqu’un qui, demain, va le remplacer. Donc il souhaite que l’enfant apprenne le travail que lui-même exerce. C’est pourquoi il emmène les enfants au champ», explique un planteur.

Mais aujourd’hui, la loi interdit la pratique et punit les contrevenants. Selon les autorités ivoiriennes de 2012 à 2014, 23 personnes ont été jugées, dont 18 ont été condamnées à des peines d’emprisonnement ferme et cinq à des peines avec sursis.

À Bonikro, Peter a pris la menace au sérieux. «C’est fini», dit-il, «on n’envoie plus les enfants au champ. Le gouvernement dit que c’est interdit, donc si on te prend, c’est la prison».


AFP/VNA/CVN

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