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Dale Carr devant sa boutique de produits anglais "Broken English", le 27 mars à Berlin. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
"On a décidé d'arrêter à cause de l'incertitude", explique la commerçante de 67 ans originaire de Sheffield, qui tirera fin mai le rideau de "Broken English", ouvert en 1996, pour prendre sa retraite avec son mari Robin. Le couple, arrivé à Berlin-Ouest en 1978, alimentait en stilton, biscuits au chocolat ou chutney les expatriés nostalgiques du pays, ou les Allemands épris de fromages et sucreries britanniques.
Sauf repreneur inattendu, les Carr licencieront bientôt leurs deux employés, après avoir déjà fermé une première boutique l'an dernier dans l'ouest de la capitale allemande. Après le référendum de juin 2016, qui a lancé le divorce entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, les deux commerçants, comme nombre de leurs compatriotes installés sur le continent, ont demandé la nationalité allemande.
"Mauvaise blague"
"J'ai ressenti beaucoup de gratitude" quand cette requête a abouti mi-2017, confie Dale Carr. "ça m'a retiré un poids des épaules, et je n'ai mesuré le stress de cette procédure qu'une fois nos passeports en poche". Dans l'intervalle, la future retraitée a vu le Brexit "diviser les gens" et créer des fractures qui "vont mettre longtemps à disparaître", au point qu'elle même a perdu des amis partisans du "leave".
Mais paradoxalement et à quelques semaines de la fermeture, les stocks constitués par les fidèles de la boutique ont dopé les ventes. "Après le Brexit, combien coûtera un pot de marmelade anglaise?", s'inquiète Manfred Denker, saisissant une boîte de biscuits, perplexe devant la "mauvaise blague" qu'est pour lui le départ du Royaume-Uni.
Des produits britanniques dans la boutique "Broken English". |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Robert Berridge, qui tient depuis 1985 son "British Food and Gourmet" à Hambourg, a vu au contraire ses ventes de produits alimentaires reculer depuis 2016, le chiffre d'affaires du dernier trimestre plongeant de 26.000 euros en 2014 à 12.000 l'an dernier. "Certains clients sont contrariés" par le Brexit "et ne veulent pas qu'on leur rappelle le pays", analyse le commerçant de 60 ans, originaire d'Ascot, arrivé en Allemagne de l'Ouest en 1981 et titulaire depuis janvier d'un passeport allemand.
Pressés de se marier
Inquiet de ce début de "boycott" et rebuté par les formalités à venir, il envisage de cesser d'importer des produits britanniques, pour se concentrer sur la vente de livres d'occasion en anglais. Des affaires comme la sienne "sont à la marge", incapables d'absorber des coûts supplémentaires, et "parmi les premières à souffrir", juge-t-il.
Institution de Cologne avec ses 40 salariés, "The English Shop" est plus sereine pour sa survie, mais a nettement ressenti la pagaille entourant la sortie britannique de l'Union européenne. "Nous sommes très, très, très mécontents du Brexit", résume Anna-Maria Boehm, responsable du marketing de cet "îlot britannique" ouvert en 1995 et qui dispose d'une boutique en ligne.
"The English Shop" a beau ne pas manquer d'expérience en matière d'importations, un divorce sans accord "impliquerait encore plus de paperasse - la moindre tablette de chocolat ou sachet de chips devra passer les douanes". Faute de savoir à quelle sauce administrative les Britanniques seront à l'avenir mangés, "le principal impact jusqu'à présent a été sur le personnel", constate la responsable.
Soucieux de garantir leur droit de résider en Allemagne et plus largement en Europe, les employés se sont dépêchés "de demander la double nationalité ou de se marier", raconte-t-elle.
AFP/VNA/CVN