COVID-19
Brésil : Bolsonaro évince son ministre de la Santé

Le président brésilien Jair Bolsonaro a limogé jeudi 16 avril en pleine crise du coronavirus son populaire ministre de la Santé, Luis Henrique Mandetta, avec lequel il était en désaccord total sur les moyens de faire face à la pandémie.

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Le ministre de la Santé, Luiz Henrique Mandetta, le 3 avril lors d'une conférence de presse à Brasilia.
Photo : AFP/VNA/CVN

Le couperet est finalement tombé, après des semaines d'affrontements et de provocations par déclarations interposées, à un moment critique pour le Brésil, dont les hôpitaux sont déjà au bord de la saturation à l'approche du pic de contaminations.

Le nouveau ministre de la Santé est l'oncologue Nelson Teich, qui a indiqué en conférence de presse qu'il ne prendrait pas de "décision brusque" en ce qui concerne une éventuelle levée des mesures de confinement réclamée par le président Bolsonaro.

M. Mandetta a toujours préconisé le confinement et la distanciation sociale, suivant à la lettre les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), au nom de "la science".

Mais le président entravait sans cesse son action, qualifiant le virus de "petite grippe" et remettant en cause les mesures de confinement prises par les gouverneurs de presque tous les États brésiliens.

"La science est la lumière", a insisté le ministre déchu jeudi 16 avril, peu après avoir été accueilli par une ovation debout des fonctionnaires du ministère au moment de sa dernière conférence de presse.

"Le remède ne peut pas avoir d'effets collatéraux plus nocifs que la maladie", a rétorqué M. Bolsonaro quelques minutes plus tard lors d'une autre conférence de presse, réitérant que la préservation des emplois était pour lui une priorité.

"Réouverture progressive"

Le chef de l'État a évoqué un "divorce par consentement mutuel" au sujet du limogeage du ministre, qui était attendu depuis plusieurs jours, leurs vues étant totalement incompatibles.

M. Mandetta semble avoir franchi la ligne rouge dimanche soir 12 avril, lors d'un entretien à la chaîne TV Globo, en affirmant que "les Brésiliens ne savent plus s'ils doivent écouter le ministre ou le président".

Une déclaration jetant une lumière crue sur la cacophonie du gouvernement qui lui a coûté l'appui des militaires, qui avaient pesé de tout leur poids la semaine précédente pour sauver son poste.

De nombreux commentateurs politiques estiment également que Jair Bolsonaro ne supportait plus ce ministre très populaire, qui avait deux fois plus d'opinions favorables que lui dans les sondages.

Le président brésilien Jair Bolsonaro à Brasilia, le 16 avril.
Photo : AFP/VNA/CVN

Son successeur avait déjà été pressenti pour ce portefeuille après l'élection, en octobre 2018, de Jair Bolsonaro, mais Luiz Henrique Mandetta lui avait été préféré, notamment en raison de ses soutiens politiques au Parlement.

Soutenu par l'Association médicale du Brésil (AMB), Nelson Teich, à l'instar de son prédécesseur, considère que le confinement est le meilleur moyen d’endiguer la pandémie.

"Sur la même longueur d'onde"

Lors de sa conférence de presse, Jair Bolsonaro a évoqué une "reprise progressive" des activités économiques.

"La vie n'a pas de prix, mais l'économie doit revenir à la normale pour préserver l'emploi. Pas le plus rapidement possible, j'en ai parlé au docteur Nelson (Teich), mais il faut commencer à penser à un assouplissement", a-t-il précisé.

Des déclarations qui laissent présager des divergences avec le nouveau ministre, alors que le pic de la pandémie n'est pas attendu avant mai ou juin au Brésil.

"Les intentions du nouveau ministre ne sont pas claires, mais Bolsonaro ne l'aurait pas choisi s'ils n'étaient pas sur la même longueur d'onde", a toutefois estimé Vinicius Vieira, politologue de l'Université de Sao Paulo (USP).

"Même si on ne doit pas s'attendre à ce que le nouveau ministre critique la distanciation sociale, il ne va sûrement pas la défendre non plus. Cela peut pousser la population à abandonner le confinement", a-t-il ajouté.

Mercredi soir 15 avril, la Cour suprême a décidé que les décisions des maires ou des gouverneurs régionaux sur les mesures de confinement devaient prévaloir sur toute directive du gouvernement fédéral.

Mais la quarantaine décrétée par les gouverneurs est moins restrictive que dans la plupart des pays européens, sans mesure coercitive pour contraindre la population à rester chez elle, même si la plupart des commerces ont été fermés.

Le dernier bilan officiel au Brésil, un pays de 210 millions d'habitants, fait état de 30.425 cas de COVID-19, dont 1.924 mortels.

Mais de nombreux spécialistes considèrent que le nombre de cas est largement sous-estimé, certains estimant même que la barre des 300.000 a été franchie depuis plusieurs jours.


AFP/VNA/CVN

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