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L'atelier improvisé pour 260 couturières dans les 3000 m² du centre d'exposition de Teste-de-Buch, en Gironde, le 15 avril. |
"Tout le monde rêve d'un combat fort dans sa vie ! Assis dans son canapé, ça ne rime à rien (...) Nos grands-parents ont vécu des heures sombres, ils se sont unis, ont lutté. Nous on n'a pas les balles, on a le tissu ! On a une mission, elle est courte, il faut la faire. Le rouage de la machine, c'est vous !". Quelques regards s'embuent, des mouchoirs montent au visage sous la visière du masque. Des mamies, mamans, gamines applaudissent la harangue churchillienne de leur nouveau "patron" et s'entendent répondre en chœur : "On est là !"
Là, ce sont les 3.000 m² du Parc des expositions de La Teste-de-Buch, tout près du Bassin d'Arcachon. Décloisonné, déshabillé, doté de 130 tables en bois espacées de 3-4 mètres, avec chacune une machine à coudre ou une surjeteuse, et depuis mercredi de petites mains qui s'affairent à plier, replier le carré de tissu, avant de piquer.
À l'origine du projet, un appel d'offres de collectivités locales du Bassin, de Bordeaux-Métropole, pour 800.000 masques en tissu homologués. Libero Mazzone, entrepreneur local connu et primé (notamment dans le reconditionnement de carrosserie) mais étranger au textile, a relevé le défi "en industriel", "sourçant" le matériel.
Et le fil s'est déroulé : la commune a fourni le lieu, Singer les machines, des traiteurs des repas à prix cassés, un industriel girondin les masques à visière, un hypermarché l'eau, un chaîne de machines expresso le café... Mais "on me disait il y a trois jours tu ne trouveras pas 50 personnes... On en a eu 50, 130, bientôt 260", qui lui permettent, au-delà de l'objectif de 30.000 masques jour, d'envisager de tourner 2X8.
Couturières, la revanche
De partout elles ont surgi : des salons, des cuisines où elles avaient cousu ces dernières semaines des masques en tissu pour elles, leurs amis, leurs enfants ou leur commune.
L'usine de fabrication de masques rapidement créée dans le centre d'exposition de Teste-de-Buch, en Gironde, le 15 avril. |
Comme Sandrine, 46 ans, vendeuse de prêt-à-porter de Mérignac au chômage partiel depuis mars, mais qui "adore la couture, a toujours fait du +patch+, des vêtements pour la famille". Elle a lu l'annonce et s'est dit "à un moment donné il faut sortir, aider +à sa hauteur+. Moi ma hauteur, c'est la couture". Ou Jeanne, 67 ans, excitée à l'idée de "mon premier Smic. Je n’ai pas de métier, j'ai jamais +travaillé+, j'étais maman au foyer. Et je cousais". Elle ne voulait surtout pas "prendre la place de quelqu'un qui avait besoin de travailler". On l'a convaincue de rester.
Ou Laura, 20 ans, sortie d'un Bac pro couture et d'un CDD de maroquinière chez Hermès, et qui "trouve merveilleux en tant que couturière de pouvoir se rendre utile". Elle avoue n'avoir "aucune idée" de la rémunération (Smic + heures sup). Mais "serait venue pour rien, sans hésiter". Car rémunération il y aura. Et projet au-delà. Tour à tour vibrionnant, lyrique, stratégique, Libero Mazzone sait que pour le seul mois à venir, "il faut en France 110 millions de masques. Et l'hiver prochain, dès que quelqu'un éternuera, on sortira tous le masque, comme en Asie. Ces masques, il faudra les fabriquer".
Alors pas question d'une "usine éphémère", comme il entend dire. Il leur promet déjà qu'une usine à masques, pas loin, perdurera, "avec, 30, 40 postes peut-être, celles parmi vous qui voudront rester. Une SAS, dont vous aurez les parts".
La grande revanche des couturières. "Un métier très honorable, des gens qu'on a un jour oubliés parce qu'on a déporté leur travail, mais qui aujourd'hui qu'on leur demande d'être là dans l'urgence, sont là, sans aucune rancœur".
AFP/VNA/CVN