>>Le Brésil enregistre un total de 1.124 décès dus au COVID-19
>>Le Brésil manque de tout pour affronter la vague du coronavirus
>>Brésil : 5.717 cas d'infection, 201 décès
Des personnes portant un masque de protection contre le coronavirus passent sous un pulvérisateur de désinfectant à l'entrée d'une gare, le 14 avril à Osasco, au Brésil. |
Le Brésil, pays le plus touché d'un continent latino-américain gagné par la pandémie mondiale tardivement par rapport à l'Asie et à l'Europe, déplore officiellement 1.736 morts, selon le dernier bilan, et attend le pic de contaminations fin avril ou début mai. Mais d'après les estimations du groupe COVID19 Brasil, un collectif de chercheurs d'universités, le pays de 210 millions d'habitants comptait 313.288 cas de COVID-19 samedi, soit quinze fois plus que les 20.727 cas confirmés annoncés par le ministère de la Santé.
La raison de ce grand écart : un taux de dépistage largement inférieur à celui des autres pays fortement touchés par le virus. Au Brésil, le ratio est de 296 personnes testées pour un million, un chiffre dérisoire par rapport à l'Allemagne (15.730), ou même la France (5.114) et l'Iran (3.421). "Le Brésil est en très mauvaise position et on ne pourra prendre le problème en main qu'avec un dépistage de masse", déplore Domingos Alves, membre du groupe COVID-19 Brasil et responsable du Laboratoire de renseignements sur la Santé (LIS) de l'université de Sao Paulo (USP).
Il pointe également du doigt la lenteur des résultats des tests, qui pousse même de nombreuses familles à enterrer leurs morts sans avoir la confirmation de la cause du décès. "Les chiffres officiels montrent où en était l'épidémie il y a une ou deux semaines", estime M. Alves. Un constat partagé par les autorités, contraintes de naviguer à vue dans l'attente de la livraison de tests retardée en raison de l'explosion de la demande mondiale. "On sait que 85% des cas asymptomatiques ne seront jamais détectés", avait reconnu la semaine dernière Wanderson de Oliveira, secrétaire à la Vigilance sanitaire du ministère de la Santé.
"Alerter la population"
Dans les hôpitaux publics la consigne est simple: seuls les cas graves doivent être testés. "On reçoit un grand nombre de cas suspects aux urgences, mais on ne teste que ceux qui seront hospitalisés", explique Fred Nicacio, médecin urgentiste à Bauru, dans l'État de Sao Paulo (Sud-Est). "Pour les autres cas suspects, on délivre juste une ordonnance prescrivant une quarantaine à domicile pendant deux semaines. Beaucoup de personnes contaminées ne sont pas comptabilisées, simplement parce qu'on n'a pas pu les tester", poursuit-il.
Le président brésilien Jair Bolsonaro, le 14 avril à Brasilia. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Pour Domingos Alves, les calculs du groupe COVID-19 Brasil servent à "alerter la population de la vraie dimension de la pandémie, parce que certains on tendance à baisser la garde". La situation est d'autant plus compliquée que le président d'extrême droite Jair Bolsonaro n'a cessé de critiquer les mesures de confinement prises par les gouverneurs dans presque tous les États du pays.
"Si les gens continuent à sortir, on verra des scènes comme à Guayaquil, en Equateur, avec des gens qui meurent chez eux et des corps abandonnés dans la rue. À Manaus (Amazonie, nord), les hôpitaux sont déjà au bord de la saturation", conclut-il.
Tests produits localement
Dimas Covas, président de l'Institut Butantan, qui coordonne les tests dans l'Etat de Sao Paulo, principal foyer d'infection au Brésil, reconnaît que les chiffres officiels sont dépassés. "Il ne faut pas regarder dans le rétroviseur. Ce n'est que le début, on est loin du pic et on saura dans les deux prochaines semaines si on escalade l'Everest ou une simple colline", a-t-il déclaré la semaine dernière lors d'une conférence de presse.
Pour obtenir des chiffres plus en phase avec la réalité, il mise sur l'arrivée de 1,3 million de tests importés de Corée du Sud, dont 725.000 ont été livrés mardi 14 avril. "Nous dépendons trop de produits importés. Il faudrait fabriquer plus de tests au Brésil pour répondre rapidement à la demande", explique Rejane Grotto, responsable d'un laboratoire de l'université de l'État de Sao Paulo (Unesp). Un défi de taille au vu des coupes successives dans le budget de la recherche ces dernières années. Certaines universités ont recours au soutien financier d'entreprises de technologie et même à des campagnes de dons sur internet pour développer des projets de tests produits localement.
AFP/VNA/CVN