>>L’ancien et le nouveau dans un village Muong
>>Le Têt traditionnel chez les minorités ethniques
Les Muong possèdent un riche patrimoine folklorique. |
Photo: CTV/CVN |
À une quarantaine de kilomètres de Hanoï, nous voici arrivés à Luong Son, province de Hoà Binh. Une petite exposition archéologique nous accueille. Nous sommes surpris de voir tant d’artefacts locaux inestimables rassemblés.
Làng Sang, village peuplé à 100% de Muong
Quittant la route asphaltée, nos voitures s’enfoncent dans la brousse. Sur huit kilomètres, un chemin de terre rouge mal empierré, défoncé et glissant à cause des dernières pluies, monte et descend, fait de nombreux détours avant de s’arrêter à Làng Sang, commune de Cao Ram. Un très ancien village peuplé à 100% de Muong.
Une quarantaine de maisons sur pilotis couvertes de feuilles de palmier sont éparpillées dans une vallée étroite. Elles sont dominées par deux pitons, l’un de terre et l’autre calcaire. Il est plus de 11h00 lorsque nous mettons le pied sur le plancher de la case la plus grande du hameau. Les habitants nous attendent là depuis 07h00. Ils sont impatients de recevoir des hôtes venus du delta, en particulier des visiteurs "blancs", très rares.
Les hommes portent une sorte de pijama indigo ou s’habillent à l’européenne, pantalon et chemise. Les femmes gardent le costume traditionnel: turban blanc ou bleu, fait d’un carré d’étoffe attaché par derrière, corset, blouse courte ouverte sur le devant et souvent non boutonnée, jupe longue et noire partant de l’aisselle et ornée d’une large ceinture de soie brodée et nouée sur la poitrine.
La glace est vite rompue grâce au chant, à commencer par le chant des femmes nous invitant à prendre la chique de bétel de bienvenue. Douze gongs représentant les douze mois de l’année résonnent en sourdine, accompagnés par une vielle, une flûte, des tambourins…
On s’assoit sur les nattes pour causer et prendre du thé chaud. On se quitte non sans regret avec la chanson folklorique de l’au revoir.
La province de Hoà Binh (Nord) regroupe la majorité de la minorité ethnique Muong. |
Photo: CTV/CVN |
Dans la ville de Hoà Binh, à 76 km de Hanoï, nous avons visité la Bibliothèque municipale, l’École ethnique secondaire de culture et d’art et surtout le très riche Musée archéologique. Hoà Binh est le site du hoabinhien, culture mésolithique de Hoà Binh (il y a 10.000-11.000 ans) qui marque une période transitoire entre la paléolithique et le néolithique.
La culture de Bac Son (à Lang Son), qui fait suite à celle de Hoà Binh, relève du néolithique. Les cultures de Hoà Binh et Bac Son constituent un tournant révolutionnaire au Vietnam et dans le Sud-Est asiatique caractérisé par le passage de la cueillette et la chasse à l’agriculture et à l’élevage. Outre les artefacts de ces cultures, le Musée contient aussi ceux de la culture de Dông Son, âge du bronze et du fer (Ier millénaire av. J.-C.), qui caractérise les premiers États vietnamiens nés dans le bassin du fleuve Rouge. Sauf le district de Mai Châu peuplé surtout de Thaï, Hoà Binh compte, parmi les Kinh (Viêt) et plusieurs minorités ethniques, une majorité de Muong.
Vivre en harmonie avec des autres ethnies
Les Muong sont établis à Hoà Binh et une partie des provinces de Thanh Hoa et Nghê An. Ils formaient avec les Viêt (ou Kinh, ethnie majoritaire) une population Viêt-Muong qui se serait scindée en deux groupes vers les IXe et Xe siècles. Les Muong sont restés dans la haute région et ont dû subir une forte influence des Thaï venus en masse du Sud du territoire chinois actuel entre les VIlle et IXe siècles.
Les Viêt descendus dans la plaine auraient subi une plus forte influence chinoise. Les Muong sont ainsi proches des Viêt par la langue, et des Thaï quant à l’organisation sociale et culturelle: riziculture en terrain inondé, pays divisé en terroirs ou muong comptant 20 à 30 villages; le muong était dirigé par un seigneur (long) issu d’une seule famille; les plus grandes familles nobles avaient comme patronymes Dinh, Quach, Bach ou Hoàng, les gens du peuple n’avaient que le patronyme commun Bùi. Les muong font le culte des ancêtres, de génies tutélaires du Muong et du village, du Génie du mont Tan Viên (ou Ba Vi).
Ils ont une riche littérature populaire. Pendant la première guerre d’Indochine, Hoà Binh a été le théâtre d’une grande victoire des forces populaires sur les troupes françaises. Après la retentissante défaite à la frontière sino-vietnamienne en 1950, De Lattre de Tassigny voulait reprendre l’initiative en occupant Hoà Binh (décembre 1952), après avoir créé une ceinture hérissée de blockhaus pour protéger le delta du fleuve Rouge avec Hanoï.
Nous avons enlevé les positions françaises sur le Sông Dà (rivière Noire), coupant le ravitaillement par voie fluviale. Les colonnes de ravitaillement sur la route N°6 (Hanoï - Hoà Binh) furent taillées en pièces et finalement, les Français durent évacuer la province (mars 1953), perdant 6.000 hommes à Hoà Binh et 22.000 avec ceux du delta. De Lattre mourut avant la fin du combat. À l’œuvre de reconstruction nationale, Hoà Binh a contribué une centrale hydro-électrique sur la rivière Dà (huit groupes électrogènes, chacun d’une puissance de 20.000 kW).
(Juin 2002)