Le professeur Dang Huu Giang doit affronter une dizaine de kilomètres de pistes boueuses durant la saison des pluies. |
Dak Sar est niché au pied du col de Dak Nuê. Trois cents familles d’ethnies minoritaires y vivent, H’Mông pour la plupart mais aussi Tày, Ê-dê et M’nông. Les H’Mông sont arrivés les plus tôt, c’est pourquoi Dak Sar est appelé le «village des H’Mông».
Dans ce village quasiment coupé du monde, pas d’eau courante, pas d’électricité, pas de réseau mobile ni même de marché. Les seuls éléments de la «civilisation» qui parvienne jusqu’ici sont les ondes de la radio de la Voix du Vietnam...
Chaque semaine, le lundi, les professeurs d’une école du centre du district (école La Trong Chuong) viennent y donner des cours. Ils doivent pour cela franchir le col de Dak Nuê, puis 30 km de route et, le plus difficile, 10 km de pistes de terre qui se transforment vite en terrain boueux à la moindre averse. Inutile de préciser que ces jeunes enseignants redoutent par dessus toute la saison des pluies....
Malgré les difficultés, la plupart des élèves de Dak Sar vont à l’école. |
Photo : CTV/CVN |
Giang et ses trois collègues doivent enfiler des bottes de caoutchouc et rouler prudemment sur les chemins glissants. Dans les portions les plus boueuses, une deuxième personne doit pousser. Giang, qui vient de passer un tronçon de ce style, raconte en haletant que certains jours, à cause de la pluie et de la boue, il est arrivé en retard. Les élèves, pensant que leur professeur n’arriverait pas, étaient rentrés chez eux. Giang a donc dû retourner le week-end pour donner des cours.
Malgré ces difficultés, le visage de la jeune professeur Triêu Thi Hang affiche un sourire éclatant. «Tomber à moto et être trempé font partie des aléas du métier ici, confie-t-elle. Depuis la rentrée scolaire, j’ai chuté trois fois. Il y a des jours où je n’ai pas pu aller en classe à cause des pluies torrentielles».
Le directeur de l’école La Trong Chuong informe que pour encourager ces professeurs bénévoles bien méritants, chaque enseignant de son établissement verse chaque mois 10.000 dôngs pour payer leur essence. «Ces professeurs sont des volontaires, ils ne reçoivent donc aucun rétribution, souligne-t-il. Leur seule motivation, c’est l’amour du métier et surtout des enfants».
La classe au village de Dak Sar. |
Pas d’école buissonnière
Cette école compte 110 élèves de 1re et 2e classes (équivalentes à CP et CE1 en France). Tous sont issus de familles pauvres, présentent un gros retard scolaire mais ont soif d’apprendre.
«Un jour de fortes pluies, Vàng A Tu est arrivé tout mouillé à l’école. Il était transi. Nous lui avons dit de rentrer chez lui, mais il a refusé. Nous lui avons donné des vêtements pour se changer», raconte le professeur Hang.
Selon les enseignants, les élèves arrivent souvent en classe le ventre vide. Parfois, ils emportent une petite poignée de riz. Ma Van Son est venu aujourd’hui en classe avec un gros concombre. Il a dû marcher 5 km et il n’a que ce légume pour se remplir l’estomac. «Je ne prends pas souvent le petit-déjeuner. Parfois un concombre», bafouille-t-il.
«Les villageois sont démunis. Leurs repas comprennent du jeune bambou et des légumes accompagnés de sel. Certaines familles n’ont pas de riz et doivent se contenter du manioc. Pourtant, leurs enfants vont à l’école», dit avec fierté le chef du village.
Ma Van Son à côté de son petit-déjeuner et aussi repas du midi : un concombre. |
Photo : CTV/CVN |
«Quand nous voyons les difficultés de nos élèves, nous pouvons relativiser les nôtres pour venir ici, explique le professeur Hang. Nous avons vraiment de la compassion pour eux».
Une bonne nouvelle pour les professeurs et leurs élèves : une nouvelle école est en train d’être construite, en dur celle-là, à 4 km de l’ancienne. Elle comprendra six salles. Les élèves ne devront plus apprendre dans leur classe en bambou.
Hà Minh/CVN